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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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sentait engloutie, annihilée par l’obscurité des prunelles de l’homme. Louis dit encore :
    — Vous préféreriez mes caresses, dame d’Harcourt. Mais je vous quitte. Dieu fasse que vous ne me revoyiez plus jamais.
    Il libéra Isabeau, se détourna et marcha jusqu’à la porte. Un petit plat de faïence se fracassa juste au-dessus de sa tête et la dame s’écria :
    — C’est ça, va-t’en ! Disparais, sale vicieux ! Je te préférais saoul !

Chapitre IV
Un cadeau royal
    Hiscoutine, octobre 1359
    — Sam ! Sam !
    La petite Jehanne dévalait la pente à folle allure, si bien qu’elle se prit les pieds dans de longues herbes et disparut à la vue du gamin. Elle brandissait un parchemin qui souffrit quelque peu de sa dégringolade.
    — Regarde, dit-elle après s’être relevée, essoufflée et hirsute, enbrandissant la lettre sous le nez de Sam à qui elle enseignait la lecture.
    Le gamin dit :
    — Oh, écoute… c’est écrit trop serré. Je n’y comprends rien. Lis-le-moi pour cette fois.
    — Tu as vu le sceau ? Cela vient du roi (25)  ! Je l’ai chapardé à Margot avant de le lire devant tous. Il faut que tu viennes l’entendre, toi aussi.
    Une fois tout le monde réuni dans la pièce à vivre, Jehanne entreprit laborieusement la lecture du message. C’était un texte officiel enjolivé de formules interminables qu’un mélange d’excitation et d’appréhension lui faisait lire tout de travers. Finalement, elle abdiqua et cria presque :
    — Le roi me fait présent d’un métayer et de six familles de serfs pour repeupler le village !
    — Qu’est-ce que c’est, un métayer ? demanda Sam.
    — Je n’en sais rien. Mais ce doit être important, puisque c’est le roi qui me l’envoie.
    — C’est peut-être un seigneur ou un baron.
    — Ou un chevalier.
    — Ce n’est rien de tout ça, dit Aedan sèchement, dès qu’il fut capable de placer un mot. Louis Baillehache. Notez l’absence de particule. Ce n’est qu’un roturier. Un fermier, ou ce qui en tient lieu, puisqu’il est originaire de Paris.
    Le brin de foin qu’il s’était planté dans la bouche s’agita tandis qu’il rajoutait, méprisant :
    — Ma petite damoiselle, c’est très louche, tout ça. Apprenez qu’un roi ne fait jamais de cadeau. Il y a autre chose dans cette lettre. Lisez-la bien. Il y est question de formariage*. Je vais vous dire, moi, ce que j’en pense : on nous envoie ce sang de navet* pour nous surveiller, pour nous dépouiller du peu que nous sommes capables d’engranger. Charles veut imposer tailles et gabelles sur nos broussailles. Il veut nous empêcher de braconner dans ses forêts, voilà. Il veut se les garder pour chasser le cerf avec trompes et meutes.
    — Comment ? Mais sans la chasse, de quoi allons-nous bien pouvoir vivre ? demanda Blandine dont le visage poupin blêmit d’une façon alarmante.
    — La lettre dit qu’il est déjà en route et va venir habiter avec nous, rajouta Jehanne.
    — Doux Jésus, il faut que je fasse le ménage ! s’exclama la bonne Margot.
    — Comme si nous n’avions rien de plus important à faire en ce moment ! Et où diable logerons-nous ce rapace ? demanda Aedan en crachant son brin de foin.
    — Il y a encore la grande chambre sous les combles. J’y mettrai un brasero*.
    — Mais c’est notre repaire secret, protesta Sam.
    — Désolée, les enfants, mais vous devrez dorénavant vous contenter de la tour. Il faut bien qu’on le mette quelque part.
    Après le souper, Sam et Jehanne s’y retrouvèrent effectivement. La fillette avait apporté une lampe et achevait de lire la lettre avec l’application d’une écolière apprenant sa leçon. Sam vint la rejoindre sur les vestiges du chemin de ronde où gambadaient quelques chatons à la courte queue dressée.
    — Quelque chose ne va pas là-dedans, dit Jehanne.
    — Ah bon ?
    — Bien entendu, le roi ne pouvait pas savoir. Il ne me connaît même pas. Je trouve d’ailleurs curieux que tout à coup il daigne s’occuper de moi.
    — Tu parles comme une dame !
    — C’est parce que j’en suis une, Sam.
    Le gamin fut mouché. Après un moment de silence, il demanda :
    — Qu’est-ce que ça dit qui ne va pas ?
    — Tu as entendu ton grand-père ? Le roi veut que j’épouse ce métayer.
    Sam se figea.
    — Quoi ? Mais… et nous ? C’est moi, ton fiancé !
    — Je le sais bien. Il faudra que je le lui explique, que c’est toi que

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