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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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combat pour nous et le paysan travaille pour que nous puissions manger.
    Louis avait levé les yeux. Charles avait ajouté :
    — En principe, la fonction du noble n’est pas tant de combattre pour son seul intérêt, mais de défendre les autres classes et d’assurer le maintien de la justice et de l’ordre. En cela, tu es particulièrement bien situé pour comprendre la valeur de cet anoblissement. Je compte sur toi pour en faire bon usage.
    — Je ferai de mon mieux, sire.
    — Bien. Je t’ai fait octroyer six familles de serfs affranchis en plus des quelques serviteurs qui sont déjà affectés aux besoins de ta maison. Traitement d’ami, la terre t’appartient en propre. À toi échoit la tâche d’en recenser les aires cultivables et de les répartir parmi tes gens.
    — Merci, sire.
    Évidemment, il n’avait pu être question de refuser ce cadeau, et le moment n’était guère choisi pour admettre qu’il ne connaissait rien à la culture, sans parler de ses conditions de vie qui n’étaient propices qu’au célibat.
    Charles avait dit :
    — Les arrangements nécessaires seront faits avec le gouverneur Friquet de Fricamp pour que tu sois en mesure de continuer à exercer ton office normalement, avec permission de quitter la ville pour tes terres lorsque tu en manifesteras le désir. Elles ne se trouvent qu’à une dizaine de lieues au sud de Caen ; on peut donc s’y rendre à cheval en trois heures. Deux même, au galop ou si la route est bonne. Bien entendu, tu continueras à bénéficier de toutes les exemptions visant à adoucir la servitude de ta fonction, taxes, droits de pressoir et que sais-je d’autre. En outre, je t’octroie les privilèges du mainbour*.
    Le roi avait parlé d’abondance, prenant soin de présenter son don en détail autant aux dignitaires qui l’écoutaient qu’à celui à qui il était destiné. Le tout avait été officiellement consigné et remis à qui de droit.
    — D’Augignac, cela vous dit-il quelque chose ? avait demandé le roi. Louis avait tout juste cillé, mais cela n’avait pas échappé à l’œil perspicace de Charles, qui avait eu un sourire en coin et avait dit :
    — Eh oui, j’en ai beaucoup appris sur ton compte, Louis. J’ai mes sources. Ceux qui savent garderont le silence. C’est dans leur propre intérêt. Quant aux autres, Dieu les préserve de l’apprendre trop vite. La fille de l’infortuné outil du Destin que fut ce seigneur obligé de consentir à ta remise de peine, surtout.
    Louis avait une nouvelle fois acquiescé. Le Mauvais avait demandé, un peu durement :
    — Mon cadeau te plaît-il ?
    — Oui, sire. J’ai toujours voulu avoir un vrai jardin. Là-bas, je l’aurai.
    Le bourreau était demeuré bouche bée sur son dernier mot et il s’était demandé comment il avait pu laisser bêtement échapper une remarque aussi inappropriée : on lui parlait d’une fille à marier, de champs à cultiver, du travail harassant de la paysannerie et d’une lutte quotidienne pour assurer la subsistance d’un hameau, et lui, il avait parlé de roses. Charles avait éclaté de rire et avait récité, comme un petit poème :
    — Mazette, voyez-vous ça ! Baillehache le pragmatique qui rêve d’un jardin quand il n’a pas encore de pain sur sa table. Oyez, mes amis ! « Beelzeboul* aime les fleurs. Du coup, j’en ai moins peur ! »
    L’audience s’était terminée avec l’annonce par le roi de son départ imminent pour Mantes, où il avait l’intention de résider un temps afin d’y parachever la récupération de ses possessions normandes.
    *
    Aux environs d’Aspremont, novembre 1359
    Déjà le silence d’un hiver précoce planait sur la lande morne. Les deux cavaliers purent le surprendre au sortir d’un bosquet, malgré la ramure cuivrée des chênes qui persistait à démentir son approche. Le vent froid du large, telle une couturière distraite, avait en courant sur cette plaine libre de tout obstacle échappé partout de grandes charpies de brouillard que les cavaliers devaient quelquefois déranger lorsqu’elles ne s’étaient pas accrochées à flanc de coteau. Çà et là, un champ non récolté s’amusait à faire voler au vent sa chape de moineaux cendrés.
    Parfois, l’homme de tête s’arrêtait au milieu du chemin peu fréquenté afin d’étudier le paysage. Son compagnon, docile, s’arrêtait aussi et continuait à respecter le silence. Sous un chaperon informe, la chevelure

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