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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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mettre le pied sur un plancher de grandes dalles en pierre où se devinait encore, ici et là, une rebelle d’un rouge passé strié de noir. L’ensemble devait jadis avoir composé un dessin quelconque.
    Jehanne se sentait sur le point de défaillir tant elle était nerveuse. L’homme salua Margot d’un signe. La domestique referma la porte. Ils étaient maintenant seuls tous les trois. C’était le signal.
    L’enfant évita de regarder l’inconnu afin de ne pas trébucher dans l’escalier, ce qui eût constitué pour Margot l’humiliation suprême. La tête vide, serrant bien fort son bouquet, elle concentrait son attention sur chacune des marches et sur chaque pas qu’elle faisait, regrettant de laisser derrière elle l’abri rassurant qu’avaient été la rampe et la pénombre des combles. Elle ne sut comment ses jambes arrivèrent à la porter à travers la pièce jusque devant l’homme qui n’avait en apparence rien du Galahaad attendu. Il ressemblait plutôt à Mordret ou à quelque autre méchant de légende.
    — C’est vous ! s’exclama la fillette en levant vers lui un regard lumineux.
    L’homme se décoiffa poliment devant elle en se demandant ce qui se passait.
    — Mon homme noir, dit encore l’enfant, d’une voix émue.
    — Jehanne, appela doucement Margot.
    — Oh, pardon !
    La fillette crut bredouiller son mot de bienvenue qui pourtant sonna juste et clair, quoique un peu timide.
    — Maître Baillehache, soyez le bienvenu. Je suis Jehanne, fille unique du seigneur Arnaud d’Augignac. Votre présence ici est pour moi un grand honneur. Il me tarde de… de vous…
    La fillette se passa la langue sur les lèvres et jeta un coup d’œil furtif en direction de Margot : la suite de son petit discours venait soudain de s’effacer complètement de son esprit. Alarmée, elle regarda son prétendant. Ce très grand homme d’allure sévère, qui avait adopté une posture rigide, n’allait sûrement pas lui être d’un grand secours.
    Nul n’eût pu soupçonner qu’il se sentait aussi nerveux qu’elle. De ses deux mains, il tournait son chaperon devant lui et se tenait légèrement voûté, peut-être dans une tentative inconsciente de se rendre un peu moins intimidant pour elle.
    La fillette avait atteint cette période intermédiaire où les rondeurs laiteuses de la prime enfance ne sont pas encore remplacées par les premiers modelages de la puberté. Des taches de rousseur constellaient son minois adorable et son petit nez qui semblait avoir été relevé par une chiquenaude taquine. Deux nattes effilochées, presque blondes, lui pendaient dans le dos. La petite bouche entrouverte laissait entrevoir une incisive adulte qui attendait encore sa voisine.
    « Comment se fait-il qu’elle me connaisse, cette teigne ? Je ne l’ai jamais vue de ma vie », se dit Louis avec une agressivité défensive. Il n’en croyait pas ses yeux : on voulait le marier à une enfant ! Cette perspective était d’autant plus effrayante pour lui qu’il avait toujours eu tendance à éviter les enfants, car il savait qu’il leur faisait peur. Il n’aimait pas cela. Il n’eût pourtant pas dû s’étonner de l’âge de Jehanne puisque Charles de Navarre lui-même s’était fait donner sa femme en mariage alors que celle-ci n’était âgée que de sept ans.
    — Je ne me souviens plus du reste, marmonna l’enfant en regardant à terre comme une écolière fautive devant son professeur.
    — D’apprendre – à – vous – servir – et – de – devenir – votre – épouse – fidèle, chuchota distinctement la voix rauque de Margot.
    Mais Jehanne fit mine de ne pas l’avoir entendue. Elle dit spontanément, en regardant Louis dans les yeux pour la première fois :
    — J’espère que vous vous plairez ici et que vous n’aurez plus de peine. Nous, en tout cas, on y est très bien.
    Le bouquet, toujours frais, changea de mains. Louis dut, pour le prendre, laisser tomber son couvre-chef à ses pieds. Il eut la vague impression que c’était plutôt à lui d’offrir un bouquet et il en fut davantage intimidé. Jehanne recula d’un pas et fit une révérence rapide qu’elle avait failli oublier tant elle était contente d’en avoir terminé avec les formalités d’accueil. Louis dit, en s’inclinant :
    — Damoiselle.
    C’était tout. Lui n’avait pas songé à préparer un petit discours. Cela rendit Jehanne fière du sien, tout incomplet

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