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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’essentiel ; car la végétation sauvage envahissait le pourtour de l’habitation. Une pointe d’allégresse totalement incompatible avec ce qu’il voyait se répandit en Louis. Pendant un bref instant, son destin et tout le travail qui l’attendait au bout du chemin cessèrent de l’inquiéter.
    Car, au faîte du coteau, en même temps que la maison, il aperçut un moulin à vent désaffecté.
    — Les voilà ! Ils arrivent !
    Sam sauta dans une meule de foin neuve qu’il avait engrangée dans la vieille tour pour le seul plaisir d’avoir un point de chute plus moelleux. Il s’élança à travers le pré en pente en direction du manoir alors que les cavaliers trottaient, impressionnants, dans l’allée aux peupliers envahie d’herbages bouclés. Il courut à en perdre haleine afin de les devancer et fit irruption dans la grande pièce.
    — Ils arrivent, ils sont là !
    — Combien sont-ils ? demanda Margot.
    — Deux. Thierry avec un autre. C’est sûrement lui.
    — Comment ? Il n’a pas d’escorte armée ? demanda Toinot.
    — Il a un grand cheval, l’homme. Un destrier. Le plus beau que j’aie jamais vu !
    — Tu sais ce qu’il te reste à faire, petit, dit le vieil Aedan qui se leva de table en grognant.
    Il épousseta les copeaux qu’il y avait semés. Sam offrit à son grand-père un sourire ravi.
    — Si, je le sais !
    À lui allait échoir l’honneur de s’occuper des montures.
    Margot tentait désespérément de rafraîchir la mise de Jehanne, pour qui cette journée avait été la plus longue de sa vie : impeccable dans sa robe neuve taillée dans le meilleur lainage qu’on avait pu obtenir, d’une chaude couleur dorée qui soulignait la beauté de sa chevelure, elle devint tout à coup étrangement calme. Margot fut ainsi en mesure de replacer une boucle folâtre qui s’était échappée de ses longues tresses. L’enfant, privée de jeux afin de ne pas se salir, avait dû passer de longues heures à se morfondre. Elle n’avait pu cependant résister à la tentation d’aller se glisser furtivement dans la tour pour y faire quelques sauts peu après le goûter, ce qu’avait dénoncé un brin de foin fiché dans l’une de ses nattes.
    — Que de taches de rousseur, mon enfant ! dit la matrone. C’est bien dommage. Voilà ce qui arrive à force de jouer dehors ainsi qu’un petit vilain, et sans capeline, encore.
    — Ma capeline ne tient jamais.
    — N’empêche que ce comportement n’est pas convenable pour une demoiselle de votre rang. Je vous ai trop gâtée. Dire que vous pourriez avoir le même teint que votre pauvre mère. Belle comme un cygne, qu’elle était.
    — C’est trop lassant, d’être une demoiselle. J’aime mieux jouer. Et plus tard, quand je serai grande, je me ferai trouvère. Tout comme Sam.
    — Mais qu’est-ce que c’est que toutes ces bêtises ? Miséricorde, petite, n’allez surtout pas raconter pareilles sornettes à votre prétendant. Que va-t-il penser ? Tenez, les voilà. Vite, vite !
    La grosse femme se hâta de lisser les jupes de Jehanne.
    — Bien. Vous n’avez rien oublié de ce qu’il faut faire ? Non ? Est-ce que j’ai de la poussière sur le nez ? Allons. Montez, vite ! Et n’oubliez pas de redescendre gracieusement, comme je vous l’ai montré.
    — Mon bouquet, dit Jehanne en allant hâtivement ramasser sur la table un bouquet de fleurs sauvages qu’elle avait soigneusement préparé.
    Un copeau oublié par Aedan s’y accrocha et taquina la main tremblante de l’enfant. La petite ne le sentit pas : une boule s’était formée dans sa gorge et menaçait de l’étouffer. Une fois en haut de l’escalier, elle s’accroupit derrière la rampe. Elle vit que Margot avait entrebâillé la porte et surveillait le travail des domestiques qui s’étaient rassemblés pour accueillir les deux cavaliers. La gouvernante souffla :
    — Seigneur Dieu, il est grand à faire peur !
    — Laisse-moi regarder, s’il te plaît, supplia Jehanne depuis sa cachette.
    Elle rajouta, sans transition :
    — Oh, il faut que j’aille faire pipi.
    — C’est trop tard. Fallait y penser avant. Il approche.
    — J’ai oublié tout ce qu’il faut dire, Margot !
    — Chut !
    La servante recula enfin et ouvrit la porte avant de faire une révérence à l’intention de l’individu qui entra sans bruit en baissant la tête pour traverser le seuil. Il fut étonné, vu la rusticité relative des lieux, de

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