Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
bonheur.
    Louis ne fut pas dupe de ce ton formel qui, venant de la bouche de cet homme d’Église, sonnait faux.
    — Trêve de mondanités. Venez-en au fait. Qu’attendez-vous de moi ?
    — Comme le dit si bien Notre-Seigneur, « Je ne suis pas venu pour accomplir ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé (38)  ».
    — Père Lionel !
    Jehanne fit irruption dans la pièce et se jeta dans les bras du vieux moine. Ce dernier l’enlaça timidement. L’irritation de son œil droit se communiqua mystérieusement à son voisin. Louis fit semblant de ne pas voir les grosses larmes qui allaient se perdre dans la barbe grise et mouillée que les glaçons avaient délaissée. Il détourna le regard et referma la porte.
    — Vous êtes revenu pour de bon, n’est-ce pas ? demanda la fillette en levant vers l’homme des yeux à peine moins larmoyants que les siens. N’est-ce pas, père Lionel ?
    — C’est justement ce dont je m’entretenais avec ton promis, mon enfant. Mais auparavant j’aurais quelque chose à lui montrer. Me le permets-tu ?
    — Mais oui, mais oui. Oh, mais c’est ma couverture de bébé ! Margot m’a tout raconté, vous savez. C’est de l’encre qu’il y a dessus. Mon père l’a renversée. Il était très pauvre et ma mère est morte en me mettant au monde, alors les moines m’ont adoptée.
    Elle s’était tournée pour faire face à Louis.
    — Avez-vous vu ceci, maître ? demanda Lionel, en ouvrant timidement l’amigaut* de la robe de Jehanne pour lui dégager l’épaule.
    — Non, dit Louis dont les prunelles sombres se posèrent sur une petite cicatrice en forme de goutte à la base du cou gracile.
    Jehanne dit :
    — On dirait du sang, hein ? Ça reste, même si je me frotte très fort. Mais ça ne me fait pas mal du tout.
    — Cette petite cicatrice, expliqua Lionel, est la seule chose qui a permis à cette enfant de réclamer son héritage, car elle lui a été accidentellement faite devant témoins.
    Cette fois, le doute n’était plus permis. Les soupçons du bourreau furent soudain dirigés vers un autre moment de sa vie, un moment dont il eût préféré ne pas revoir les vestiges. Il demanda :
    — Où voulez-vous en venir ?
    — À Arnaud d’Augignac, dit Lionel.
    Jehanne opina vigoureusement et dit à Lionel, d’un air résolu :
    — C’était mon papa. Ça m’a fait de la peine qu’il soit mort et je me demande souvent comment il était. Mais c’est vous que j’aime.
    — On vous envoie pour venger Beaumont, dit un Louis stoïque.
    Il avait récemment eu la surprise de découvrir la gente Dame de Garin parmi les objets personnels qu’Arnaud avait laissés.
    — Non, mon fils. Vous n’avez agi que sous la contrainte et, par conséquent, je n’ai aucune intention de vous accuser de quoi que ce soit. Je tenais seulement à vous dire que je suis au fait de tout ce qui vous est advenu ces dernières années. Je sais ce qui s’est passé pour que vous soyez devenu… ce que vous êtes.
    — Qui d’autre le sait ?
    — À ma connaissance, seulement Margot, Thierry, Toinot et moi-même. Or, nous sommes tous les quatre à votre service. Nous ne dirons rien. Mais je crois que nous devrons aussi en informer Blandine et Aedan afin qu’ils puissent, eux aussi, prendre garde de ne pas commettre l’imprudence d’évoquer la chose devant certaines personnes dont nous devons protéger l’innocence.
    Les yeux de la petite Jehanne papillonnaient de l’un à l’autre. Elle cherchait à saisir de quoi il pouvait être question. Jamais elle n’avait vu Louis aussi perturbé. Il dit :
    — Fort bien, allez-y. Puisque vous savez tout à mon sujet, sans doute vaut-il mieux que ma collaboration vous soit acquise.
    — Vous m’avez mal compris, maître. Au risque de me répéter, vous n’avez rien à craindre de moi. Le chantage n’a rien à voir avec ma présence ici. Mon intention n’est pas de vous menacer de dévoiler votre identité à votre promise si vous refusez de m’accorder telle ou telle faveur. Je suis un vieil homme. Je n’ai pas rompu mon vœu de silence pour assouvir une quelconque ambition personnelle. C’est là pour moi chose futile et sans intérêt. Je ne suis venu ici que pour une seule raison : pour vivre enfin. Et non plus pour seulement exister.
    Le bénédictin serra Jehanne contre lui et dit encore :
    — Sur ce, j’ai une requête à vous faire.
    — Dites toujours.
    — Le souhait de mon

Weitere Kostenlose Bücher