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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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pour telle. Je ne réprouve nullement vos récentes folies : je les admire, je les vénère, puisque la droiture et la générosité ont été seules à les dicter.
    – Si vous saviez comme la vie me paraît belle ! reprit le garçon avec transport, il me semble renaître, découvrir cette maison, avoir renfermé le passé dans un tombeau et engrangé des trésors d’heures pour vous aimer.
    Madame Davignon, gagnée par une émotion qu’elle contenait mal, conduisit son neveu jusqu’à la porte dissimulant le petit escalier de son paradis.
    – Nous donnons ce soir une petite fête en votre honneur, lui glissa-t-elle avant de s’esquiver, nous avons réuni tous ceux qui se réjouissent avec nous de votre retour.
    En quelques enjambées notre héros fut à l’étage où Stella, qui venait de se précipiter pour passer devant lui, barrait toute la largeur du couloir de ses bras maigres étendus. Elle lui fit un signe de se mettre à genoux, puis dénoua, pour lui bander les yeux, le ruban qui maintenait ses cheveux en catogan. L’ayant ainsi à peu près aveuglé, elle le poussa dans sa chambre où, rien qu’en les touchant, il compta sur son lit quatre habits neufs restés pliés dans leurs housses de futaine. N’y tenant plus, il releva un coin du bandeau qu’avait improvisé sa protégée ; ce fut pour découvrir, dans un ordre impeccable, une canne à pommeau d’or, deux petits chapeaux gris, des gants parfumés, une passacaille de renard, des souliers à bouton de nacre rangés dans leurs caisses de bois, enfin des jabots et des mouchoirs au point de Gênes et de Venise. Elle le prit ensuite par la main pour le mener dans un cabinet attenant où elle s’amusa à lui faire caresser longuement des perruques posées sur leurs formes, puis, dans un coffret marqueté, un nécessaire de toilette alignant plusieurs rangs de flacons de cristal à gros bouchons d’argent.
    Bouleversé des attentions qu’on avait eues pour lui, il assit Stella sur son bras et, se souvenant que madame de Gargilesse la lui avait désignée comme son bon génie, il la couvrit de baisers de reconnaissance. Le bonheur, tandis qu’il aspirait chaque seconde avec la gloutonnerie dont sont capables les miraculés, lui venait à la bouche comme un miel. Lorsqu’il eut reposé la fillette à terre, il appliqua contre sa joue le col moelleux de la robe de chambre de pintado qu’il venait de dépendre d’une patère. Elle était semblable à celles que portaient Hercule et Diane lorsqu’il les avait surpris en négligé et ce doux contact, par l’étincelle que doivent produire tous les plaisirs tactiles dans la même partie du cerveau, lui rappela un souvenir se rattachant à son enfance : de grosses serviettes râpeuses de chanvre dont Angèle, sa nourrice, le frottait jusqu’au sang au sortir du baquet où elle l’avait baigné. Impatient de calmer le trémoussement de sa joie en la confiant à sa famille, il s’installa à son petit bureau pour écrire à ses sœurs et à son oncle de Tressan.
    Sa lettre qui racontait sur un ton forfantier le menu de ses aventures, se terminait ainsi :
    « … Partout, mes chères sœurs, mon cher oncle, il n’est bruit que de votre aimable Victor. Tout Paris s’interroge et se demande où est Gironde ; où se trouve la souche que produit des rejetons aussi dégourdis et lestes.
    Vous le voyez, la modestie n’est pas le fort des têtes brûlées, surtout lorsqu’elles font leur farandole sur les bords de la Seine.
    Votre Victor qui vous aime et qui, dans sa folie, ne vous oublie pas. »
    Le souper, vers neuf heures, rassembla le petit noyau des habitants de l’Hôtel Davignon, grossi de madame de Fontalon, de Diane de Solsac et des Thésut. Victor, paré d’un habit de velours bleu nuit, découvrit, autour d’une table abondante, le saute-bouchon de Champagne 228 , cette nouveauté propre à attiser l’extravagance dont le moine Dom Pérignon à Reims conservait encore le secret.
    – Je serai au Palais-Royal dès demain, avait-il annoncé aux Thésut en descendant les accueillir dans la cour pour les conduire jusqu’aux deux coins de leur habituelle ottomane.
    – Vous allez retrouver de l’entassement, prévint l’abbé, sans vous désormais nous sommes perdus.
    – C’est également demain, renchérit le chevalier, que vous ferez la connaissance du duc d’Orléans. Il voulait vous voir en particulier depuis que nous lui faisions vos louanges mais vos démêlés avec Vendôme

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