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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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sous un empilement de parapheurs qui écrasaient eux-mêmes des fardes entassées à la diable.
    – Ce garçon sera la croix de notre vieillesse ! reprit le chevalier agité de tics frénétiques.
    – Mais quelle raison donne-t-il à sa disparition ? s’enquit Victor suffisamment fort pour que l’aîné de ses maîtres l’entende.
    – Ça ! gémit celui-ci en chaussant le ton de la fausse innocence, il vous répondrait lui-même que ce n’est rien, que ce n’est qu’une passade. Son Altesse a quitté Paris ! Elle est remontée à Colombes où elle tient enfermée, depuis bientôt trois semaines, une beauté qui traînait autour du château de Madame à Noël… Un fantôme dont personne ne sait rien, que personne même n’a pu apercevoir…
    Victor, à ces mots, sentit son cœur prêt de se rompre.
    – Colombes, dites-vous ?… Une belle !
    – Oui et tout cela sous couvert de demeurer près de sa mère, reprit l’abbé, pauvre femme !… N’avait-elle pas déjà eu son lot de peines tandis que son mari vivait ?
    Victor s’était laissé choir sur une petite chaise dorée.
    – C’est donc cela, hoquetait-il sombrement, ça ne peut être que cela, grand Dieu !
    Il sera aisé d’imaginer quelles furent ses angoisses pendant le reste de cette matinée et dans quel état il parut devant son oncle à midi.
    Monsieur Davignon, campé derrière son bureau, se montra dès l’abord inhabituellement grave, raidi comme un monolithe ; c’est dire le point où se trouvait rendue son inaccessibilité.
    – Victor, lui annonça-t-il, j’ai mené ma propre enquête, je puis vous dire où se trouve Clémire…
    – Inutile ! je le sais, moi aussi, depuis ce matin.
    – Miséricorde ! soupira le conseiller en se précipitant pour prévenir une défaillance du jeune homme, le sort s’acharne étrangement sur vous !
    – Me voici le rival d’un homme auquel la double qualité de protecteur et de prince m’empêche de demander raison.
    – Faites-moi confiance, mon enfant !… Vous savez que j’abhorre les abus de la puissance lorsqu’elle s’est dévoyée… Un prince tel que le duc d’Orléans, accessible aux idées d’honneur, m’écoutera lorsque je lui parlerai…
    – Irez-vous le voir ?
    – Dès demain si vos maîtres en sont d’accord ! répliqua monsieur Davignon.
    – Oh ! mon oncle…
    – Je vous le dois, je suis tout autant le comptable de vos devoirs que celui de vos droits… Nous irons en conférer après souper au Palais-Royal !
    Les deux Thésut, qui se mettaient au lit avec les poules, reçurent leurs visiteurs déjà barricadés dans leurs chambres. Le chevalier en chemise reniflait un grand bol d’infusion de véronique et l’abbé, encore en soutanelle, s’insultant à haute voix de ses coups maladroits, terminait une réussite.
    Ils furent l’un et l’autre à peu près foudroyés par ce que venait leur découvrir leur ami.
    – Clémire de Grandville, dites-vous ! répéta le chevalier… Voici bien un nom qui me dit quelque chose.
    – Son frère vient de mourir, souligna monsieur Davignon, c’est celui qui était mêlé à l’affaire qui a failli perdre Victor…
    – Non, ce n’est pas si récent, objecta l’aîné des Thésut, ma Clémire à moi se perd dans la nuit des temps. Elle avait effectivement un frère… Enfin ! cela me reviendra.
    – Que me conseillez-vous ? demanda monsieur Davignon, croyez-vous que je puisse obtenir une audience du prince ?
    – En ce moment il ne vous recevrait pas, estima l’abbé, lorsqu’il est comme cela, sous l’empire de ses sens, il ne connaît personne… Nous devrions plutôt tenter de l’atteindre par le truchement de sa mère qui s’est ouverte à nous plusieurs fois du souci que lui causaient les désordres de son fils.
    – Pourrais-je la voir promptement ? insista le conseiller.
    – Sans difficulté si je vous accompagne, estima l’abbé.
    – Demain, onze heures ! fit l’oncle de Victor, je passerai vous chercher.
    – Et moi qui voulais vous unir à Diane de Solsac, gémit dans son coin le chevalier en considérant fixement son élève… Nargue ! le mariage est bien compliqué depuis qu’on se mêle de recueillir l’avis de tout le monde.
    Et sans doute effrayé par le mutisme de celui à qui s’adressait ce discours, il changea de registre pour conclure :
    – Allons, le dénouement est proche ! Vous allez retrouver votre dulcinée et nous notre cornac.
    Il montra le papier qui refluait jusque dans sa chambre

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