Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
Vom Netzwerk:
malgré janvier.
    Il rejoignit le prêtre en contrebas du porche de l’église du village envahie d’une foule de vignerons venus célébrer la fête de la Présentation. L’homme s’essayait alors à nettoyer nerveusement, à l’aide d’un mouchoir déjà sale, sa figure éclaboussée de boue.
    – Schweine 240 ! grommelait-il en découvrant ses dents gâtées.
    – J’ai tout vu, mon père, proclama Victor en arrivant à sa hauteur, et je vous aiderai à vous venger de ces ruffians !
    – Qui es-tu, toi ? demanda roguement et avec un fort accent d’Allemand cet être plein d’aspérité que la fréquentation des corps de garde n’avait pas contribué à polir.
    – Je me nomme Victor de Felzins, fils du comte de Gironde, et je suis prêt à témoigner de ce qu’on vous a fait subir…
    – Ces misérables ne me craignent pas plus que l’Enfer ! soupira le jésuite, d’ailleurs à quoi bon lutter puisque Madame finira par leur donner raison au nom du droit du plus fort ?
    – La mère de Son Altesse ? hasarda Victor.
    – Si fait ! opina le disciple de saint Ignace avant de s’arrêter net pour dévisager son interlocuteur avec une expression d’extrême méfiance : oh, là ! que cherches-tu à me faire dire, drôle ?
    – Je souhaite entretenir Madame !
    – Qu’as-tu à lui confier ? insista l’Allemand.
    – N’est-ce point elle qui règle la justice ici ?
    – Si fait, mais de quoi s’agit-il ?
    – D’une affaire qui me concerne.
    – De quoi ? De quoi ?
    – D’un enlèvement…
    – D’un enlèvement ! s’effraya le jésuite qui roula aussitôt des yeux suffoqués en aplatissant son chapeau par-dessus ses cheveux gras, que veux-tu que Madame ait à voir là-dedans ? Et pour commencer, je n’ai pas entendu dire qu’il manquât un seul habitant dans ce village…
    – Si ! la fille adoptive des savetiers, balbutia Victor auquel le roulement forcené des questions de son interlocuteur commençait à faire perdre ses moyens.
    – Eh ! que te soucies-tu de cette fille ? reprit le religieux, si elle n’est plus chez ses parents à cette heure, c’est qu’elle a fait quelque fugue… Et puis d’ailleurs ne sais-tu pas qu’elle a la réputation de donner dans la galantise avec les soldats qui traînent par ici ?
    – Non, ce que vous dites est faux ! s’emporta Victor, cette jeune fille m’aime, elle me l’a avoué il n’y a pas huit jours.
    – Tu es bien naïf ! ricana le jésuite dont les joues noires s’étaient crevassées du hideux sillon du sarcasme, ignores-tu qu’en amour les femmes ont des caprices et des temps qui ne connaissent point de lois ?… Que les secondes chez elles passent à la vitesse des jours ; qu’elles n’ont pas de mémoire fidèle, ni le cœur de respecter leurs serments ?…
    – Vous en parlez à votre aise vous qui ne savez rien de tout cela ! Mais justement, elle, pourquoi la croyez-vous coupable ?
    – Je la connais pour ce qu’on m’en a dit, répliqua vivement l’Allemand, je ne m’en soucie pas. Je te conseille seulement d’abandonner l’idée d’importuner Madame du bruit de ces fadaises.
    – Vous en parliez sciemment tout à l’heure, grommela Victor, c’est donc ici la raison du plus fort !
    – De quoi te plains-tu ? J’ai reçu pour mission de veiller sur le repos des princes et d’éconduire les fâcheux… Tant pis pour toi si tu t’entêtes, ceux qui sont à la grille te frotteront les oreilles et tu te repentiras de ne pas m’avoir écouté.
    Victor allait répliquer lorsqu’il fut bousculé par deux files de gardes du corps et plaqué, dos au mur, avec quatre ou cinq jeunes paysans aux souquenilles lardées de rubans de fête que la vivacité de ses échanges avec le prêtre avait fait se rapprocher.
    – Place à Leurs Altesses ! cria un officier de grenadiers allemands qui allait en tête d’un pas qu’on eût dit martelé par la schlague 241 .
    Dans l’espace d’une seconde, le duc d’Orléans se profila au milieu d’un essaim de courtisans. Il donnait le bras à sa mère, cette créature taillée en forme de foudre qui allait à la même allure que sa garde. Elle arborait, ce matin-là, un manteau de veuve violet à glands de soierie scintillante dont le capuchon rabattu dissimulait tout le haut de sa grosse figure rouge.
    Le jésuite, écartant les deux pans de sa cape, tel un gros corbeau prêt à prendre son vol, parvint à masquer Victor au moment où les princes passaient à sa portée.
    – Comment ! se

Weitere Kostenlose Bücher