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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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ensuite sur un cordon pour indiquer que c'était terminé
et le maquereau assis à l'avant arrêta les mules.
    « Conduisez-moi
au quartier juif, lui dit Rob, je la paierai. »
    Ils reposaient
l'un près de l'autre, livrés aux oscillations de la voiture.
    « Comment
t'appelles-tu ?
    –
Lorna », dit-elle, et en fille bien élevée, elle ne lui demanda pas son
nom.
    « Moi je
suis Jesse ben Benjamin.
    – Salut,
dhimmi, fit-elle timidement en touchant les muscles de ses épaules. De vrais
nœuds de cordes ! De quoi aurais-tu peur, jeune et fort comme tu es ?
    – J'ai peur d'être
un bœuf alors que je devrais être un renard, dit-il, souriant dans le noir.
    – Tu n'es pas
un bœuf, j'ai pu m'en rendre compte, répondit-elle sèchement. Quel est ton
métier ?
    – J'étudie au
maristan pour devenir médecin.
    – Comme le
chef des princes. Mon cousin a été le cuisinier de sa première épouse.
    – Connais-tu
le nom de sa fille ?
    – Il n'a pas
de fille. Ibn Sina n'a pas d'enfants. Il a deux épouses : Reza la Pieuse,
qui est vieille et malade, et Despina la Vilaine, qui est jeune et belle, mais
Allah – gloire à Lui ! – ne leur a pas donné de descendance.
    – Je
vois... »
    Il la prit à
loisir une fois encore avant que la voiture n'atteigne Yehuddiyyeh. Puis il
guida le cocher jusqu'à sa porte et les paya tous deux généreusement. Il
pouvait maintenant rentrer, allumer les lampes et affronter ses meilleurs amis
et ses pires ennemis : les livres.

42. LA FÊTE DU CHAH

 
    En pleine ville, au milieu de toute une population, il menait une existence
solitaire. Il retrouvait chaque matin ses condisciples et les quittait chaque
soir. Karim, Abbas et quelques autres avaient une cellule à la madrassa ;
certains, comme Mirdin, habitaient le quartier juif, mais il n'avait aucune
idée de leur vie hors de l'école et de l'hôpital. La même que la sienne sans
doute, remplie par la lecture et l'étude. Il était trop occupé pour se sentir
seul.
    Il ne passa
que douze semaines à recevoir les nouveaux patients, puis il fut chargé d'une
tâche qui lui faisait horreur : tout futur médecin devait à tour de rôle
servir au tribunal islamique les jours où le kelonter rendait les sentences.
Son estomac se révolta la première fois que, revenu à la prison, il passa
devant les carcans. Le garde le mena à un cachot où gisait un homme agité et
geignant. A la place de sa main droite, un chiffon bleu lié d'une corde
enveloppait le moignon, au bout de l'avant-bras horriblement enflé.
    « M'entends-tu ?
Je m'appelle Jesse.
    – Oui,
seigneur.
    – Quel est ton
nom ?
    – Djahel.
    – Djahel, il y
a combien de temps qu'on t'a coupé la main ? »
    L'homme secoua
la tête d'un air égaré.
    « Deux
semaines », dit le garde.
    Rob retira le
chiffon, qui contenait du crottin de cheval ; il avait déjà vu cela quand
il était barbier-chirurgien : une pratique rarement bénéfique qui pouvait
même être dangereuse. La corde, près de l'amputation, avait pénétré les chairs
et le bras commençait à noircir. Il libéra le moignon et le lava soigneusement,
l'enduisit de santal et d'eau de rose, puis de camphre, laissant Djahel
toujours geignant mais soulagé.
    Ce n'était
encore que la meilleure partie de la journée car on le conduisit ensuite à la
cour des exécutions. Quand il était lui-même au carcan, il avait pu s'évader
dans l'inconscience. Maintenant, debout parmi les mullahs psalmodiant, il
entendait les supplications d'un prisonnier au teint gris, le sifflement du
sabre courbe et la tête qui roulait par terre, avec ses yeux exorbités de
terreur. On emporta les restes, et vint le tour d'un jeune homme qu'on avait
surpris avec la femme d'un .autre. Le même bourreau choisit cette fois une
dague longue et fine pour fendre d'un geste de droite à gauche le ventre de
l'adultère et répandre ses entrailles.
    Heureusement,
il n'y avait pas d'assassins à écarteler, mettre en pièces et exposer aux
chiens et aux charognards. On requit les services de Rob pour les « peines
mineures ». Un petit voleur se souilla de peur et de douleur quand on lui
coupa la main. Il y avait un pot de poix brûlante, mais il n'en eut pas
besoin : la violence du coup avait scellé le moignon qu'il se contenta de
laver et de panser. Sa tâche fut plus difficile avec une grosse femme en
larmes, convaincue d'insultes répétées contre le chah. On lui coupa la langue
et, pour arrêter le flot de sang qui

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