Le médecin d'Ispahan
criant « Ho ! » et frappa violemment les
naseaux de la bête, qui recula en hennissant. Les soldats la maîtrisèrent
tandis que l'ambassadeur, fermement guidé par le vieux capitaine, allait se
prosterner et transmettait d'une voix tremblante les salutations de son chef,
mais sans offrir aucun cadeau.
Le chah le
renvoya d'un geste de la main, et ainsi se termina l'ennuyeuse cérémonie.
Rob aurait
aimé aménager sa petite maison ; quelques jours de travail y auraient
suffi, mais chaque heure était si précieuse qu'il laissa les plâtres fissurés,
les abricotiers non taillés et le jardin à l'abandon. Chez Hinda, la femme du
marché, il acheta trois mezouzoth contenant des passages de l'Ecriture, qu'il
fixa en haut des portes, comme il l'avait vu faire à Tryavna. Il commanda à un
menuisier indien une table en bois d'olivier, une chaise à l'européenne, et
choisit chez le chaudronnier quelques ustensiles de cuisine. L'hiver
approchant, il trouva au marché arménien des peaux de mouton peu coûteuses, en
prévision des nuits fraîches.
Un vendredi
soir, son voisin le cordonnier le décida à venir partager le repas du sabbat.
La maison était modeste mais confortable, et agréable l'hospitalité. La femme
de Yaakob se couvrit le visage pour bénir les bougies. Lea, la fille, servit un
poisson de rivière, un ragoût de volaille, avec du pilah et du vin ; elle
tenait les yeux modestement baissés et fit pourtant quelques sourires à Rob.
Elle était en âge de se marier et le père laissa entendre qu'elle aurait une
bonne dot. Ils ne cachèrent pas leur déception quand il se retira, en les
remerciant, pour retourner à ses livres.
Il menait une
vie exemplaire. Les étudiants de la madressa étaient tenus à l'observance
quotidienne des pratiques religieuses, mais les Juifs pouvaient assister à
leurs propres offices. Il allait chaque matin à la synagogue de la maison de la
Paix et, si l'hébreu du shaharit lui était devenu familier, beaucoup de prières
restaient obscures. Néanmoins, se balancer en psalmodiant était une manière
apaisante de commencer la journée.
Il consacrait
ses matinées aux cours de philosophie et de religion, qu'il suivait désormais
avec acharnement, et à beaucoup de leçons de médecine. Son persan s'améliorait,
mais il lui fallait encore demander le sens de tel mot ou de telle expression,
et on ne lui répondait pas toujours.
Un matin,
Sayyid Sa'di, le professeur de philosophie, mentionna le gashtagh-daftaran .
Rob se pencha vers son voisin, Abbas Sefi, pour lui demander ce que c'était.
Mais le gros garçon se contenta de secouer la tête d'un air ennuyé.
Sentant une
légère tape sur son dos, Rob se retourna et vit Karim Harun qui lui souriait.
« Un
ordre d'anciens scribes, souffla-t-il. Ils ont recueilli par écrit l'histoire
de l'astrologie et les débuts de la science persane. »
Une place
était libre près de lui et il lui fit signe de le rejoindre. Dès lors, ils
suivirent souvent les cours côte à côte.
Le meilleur
moment de la journée, c'était l'après-midi quand il travaillait au maristan.
Surtout lorsque, au bout de trois mois, son tour vint d'examiner les nouveaux
patients. Le processus d'admission le surprit par sa complexité, mais
al-Juzjani lui expliqua comment s'y prendre.
« Ecoute
bien, c'est très important.
– Oui,
hakim. »
Il avait
appris à toujours écouter al-Juzjani, le meilleur médecin du maristan après Ibn
Sina, dont il avait été l'assistant et le bras droit toute sa vie, en gardant
son indépendance de jugement.
« Tu dois
noter l'histoire complète du malade et, à la première occasion, la reprendre en
détail avec un médecin plus expérimenté. »
On interrogeait
chaque patient sur ses occupations, ses habitudes, ses contacts éventuels avec
des maladies contagieuses, ses difficultés respiratoires, digestives,
urinaires. Déshabillé, il était soumis à un examen médical minutieux, avec
inspection des crachats, vomissements, urine et selles, prise du pouls et
détection de la fièvre par la chaleur de la peau.
Al-Juzjani lui
enseigna à palper des deux mains à la fois les bras, les deux jambes, les deux
côtés du corps, de manière à déceler, par comparaison, tout défaut, enflure ou
autre anomalie. Il lui montra aussi comment frapper du bout des doigts de
petits coups secs sur le corps du malade pour découvrir la maladie par l'écoute
d'un son anormal. Si étrange et nouveau que tout cela
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