Le médecin d'Ispahan
grand raid hors d'Ispahan.
« Mais
pour où, Majesté ? demanda Rob.
– Dans les
réserves d'éléphants du sud-ouest de l’Inde.
– Sire,
pourrai-je vous accompagner ? demanda Karim les yeux brillants.
– Je compte
bien que vous viendrez tous les trois. »
Il les flatta
en leur confiant ses plans les plus secrets. A l'ouest, les Seldjoukides
préparaient la guerre, le sultan de Ghazna était plus menaçant que jamais. Il
était temps pour Ala de rassembler ses forces. Ses espions assuraient qu'une
petite garnison indienne surveillait à Mansoura un important parc
d'éléphants ; le raid, en même temps qu'un excellent entraînement,
pourrait lui procurer ces animaux sans prix qui, couverts de cottes de mailles,
étaient assez redoutables pour changer le cours d'une bataille.
« J'ai un
autre objectif, dit-il en montrant un poignard dont la lame était bleue et
ornée de petites volutes. Ce métal, qu'on ne trouve qu'en Inde, a un meilleur
tranchant, plus durable, que le nôtre ; avec assez d'épées de ce métal
bleu, une armée serait sûre de la victoire. »
On admira le
poignard, sa trempe et sa finesse.
« Viendras-tu
avec nous ? » demanda le roi en se tournant vers Jesse.
C'était un
ordre et non une question ; l'heure était venue pour Rob de payer sa
dette.
« Oui, je
viendrai, sire », dit-il, feignant la joie. Mais il se sentait étourdi et
fébrile.
« Et toi,
dhimmi ?
– Votre
Majesté m'a accordé la permission de rentrer dans ma famille à Mascate, dit
Mirdin troublé.
– La
permission ! Tu l'as eue, bien sûr, mais maintenant tu as à décider si tu
nous accompagnes ou non », dit Ala sèchement.
Karim se hâta
de verser du vin dans tous les gobelets et insista :
« Viens
avec nous en Inde.
– Je ne suis
pas un soldat, dit lentement Mirdin en regardant Rob, qui entreprit lui-même de
le convaincre.
– Viens, nous
étudierons les commandements le long du chemin.
– Nous aurons
besoin de chirurgiens, reprit Karim. Et puis, Jesse serait-il le seul Juif prêt
à se battre que j'aie rencontré dans ma vie ? »
Le regard de
Mirdin se durcit et Rob s'en aperçut.
« Ce
n'est pas vrai, Karim, le vin te rend stupide.
– Je
viendrai », dit enfin Mirdin. Ils l'acclamèrent.
L'après-midi,
Rob alla trouver Nitka, la sage-femme, personne sévère au nez pointu, au teint
jaunâtre avec deux yeux de raisins secs. Elle l'écouta sans surprise car c'était
bien ainsi qu'elle voyait le monde : le mari voyage et la femme reste
seule, à souffrir. Elle connaissait l'étrangère aux cheveux rouges, s'en
occuperait et s'installerait même chez elle, s'il le fallait, pendant les
dernières semaines.
« Merci,
dit Rob en lui tendant cinq pièces, dont quatre d'or. Est-ce
assez ? »
C'était
assez ; et, au lieu de rentrer, il alla, sans être invité, jusqu'à la
maison d'Ibn Sina. Le médecin-chef l'écouta gravement.
« Et si
tu mourais là-bas ? Mon frère Ali a été tué dans un de ces raids. Tu n'y
as pas pensé parce que tu es jeune, fort et qu'il n'y a pour toi que la vie.
Mais si la mort te prenait ?
– Je ne laisse
pas ma femme sans argent. J'en ai un peu et elle a surtout celui de son père.
Si je meurs, pourriez-vous l'aider à rentrer dans son pays avec l'enfant ?
– Prends bien
garde de m'éviter ce travail inutile... As-tu réfléchi à mon énigme ?
– Non, maître,
dit Rob, surpris qu'un grand esprit se plaise à ces jeux puérils.
– Peu importe.
Si Allah le veut, tu auras le temps de la résoudre. Et maintenant, dit-il
soudain avec brusquerie, viens, hakim. Nous ferions bien de parler un moment du
traitement des blessures. »
Quand ils
furent couchés, Rob expliqua à Mary qu'il n'avait pas le choix, qu'il lui
fallait payer sa dette à Ala et que, de toute manière, c'était un ordre.
« Ni
Mirdin ni moi n'aurions risqué cette folle aventure si nous avions pu
l'éviter. »
Sans entrer
dans le détail des contretemps possibles, il lui dit qu'il s'était assuré les
services de Nitka pour la naissance et qu'Ibn Sina l'aiderait en cas d'autre
problème.
Elle avait dû
être terrifiée mais c'était fini ; il crut entendre de la colère dans sa
voix quand elle posa des questions, mais c'était peut-être un effet de sa
propre culpabilité. Car, au fond de lui-même, il ressentait une excitation à
l'idée d'aller guerroyer : vivre un rêve de son enfance.
Dans la nuit,
il posa doucement sa main sur le ventre chaud,
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