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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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en citant exemple et précédents tirés du Fiqh et de la
Shari’a. Les autres examinateurs dressèrent l'oreille lorsque Yussef Gamali
mêla dans ses questions le droit et la théologie, ce qui pouvait être un piège
pour tout autre qu'un Vrai Croyant. Mais, avec son profond savoir, Mirdin prit
ses arguments dans la vie et la pensée de Mahomet, reconnaissant les
différences juridiques et sociales entre l'islam et sa propre religion quand
elles étaient pertinentes ou, quand elles ne l'étaient pas, passant de la Torah
au Coran ou du Coran à la Torah comme des étais ou des compléments l'un de
l'autre.
    Il jouait de
son esprit comme d'une lame, se disait Ibn Sina : feinte, parade, coup de
pointe ici et là. Si étendue était son érudition que le jury, qui la partageait
plus ou moins, en fut étonné et ravi. Ibn Sabur, à son tour, décocha question
sur question et les réponses partaient de même, sans hésitation : non des
opinions personnelles de Mirdin, mais des citations d'Ibn Sina, Rhazes, Galien
ou Hippocrate, et même du traité Des fièvres modérées d'Ibn Sabur, que
le médecin de Bagdad écouta sans broncher.
    L'examen dura
plus longtemps que d'habitude ; enfin le candidat se tut et Ibn Sina,
l'ayant libéré, fit appeler Jesse ben Benjamin ; il sentit aussitôt un
changement subtil dans l'atmosphère. Ce grand garçon robuste, avec sa peau
tannée par le soleil et le regard direct de ses yeux bleus, avait l'air d'un
soldat plus que d'un médecin ; mais ces larges mains carrées savaient
caresser un visage fiévreux aussi bien que trancher dans la chair, d'un geste
précis et toujours contrôlé. Il avait de la présence, malgré une certaine
nervosité ; ses lèvres pâlirent quand il vit Musa ibn Abbas.
    L'adjoint de
Qandrasseh avait remarqué le regard presque insolent ; il posa tout de
suite une question politique dont il ne chercha pas à cacher les dangers.
    « Le
royaume appartient-il à la mosquée ou au palais ?
    – C'est écrit
dans le Coran. Allah dit, dans la deuxième sourate : " J'établis
sur la terre un lieutenant " Et le devoir du chah est défini dans la
sourate 38 : " Ô David, nous t'avons établi notre lieutenant sur
cette terre ; juge donc avec équité les différends entre les hommes, et ne
suis pas tes passions, qui te détourneraient de la voie divine. "
Ainsi, le royaume appartient à Dieu. »
    Evitant de
choisir entre Qandrasseh et Ala, la réponse était intelligente et juste. Le
mullah ne la discuta pas. Ibn Sabur demanda ensuite de préciser ce qui
différenciait variole et rougeole. Rob rappela les symptômes décrits par Rhazes
dans son traité Des maladies  : fièvre et douleur dorsale pour la
variole, température plus élevée pour la rougeole, avec un certain désarroi de
l'esprit. Ibn Sina, dans le quatrième livre du Canon , observe que
l'éruption de la rougeole se produit d'un seul coup, alors que celle de la
variole apparaît peu à peu.
    Rob parlait
calmement, sans hésiter ni faire valoir son expérience de la peste comme tant
d'autres l'auraient fait. Ibn Sina connaissait sa valeur ; al-Juzjani, lui
aussi, savait quel effort avait fourni cet homme depuis trois ans.
    « Comment
traites-tu une fracture de la clavicule ? demanda-t-il.
    – Il convient
de distinguer fracture simple et fracture ouverte. Hakim Jalal ul-Din a imaginé
plusieurs techniques selon les cas, à partir d'éclisses et d'attelles
spécialement étudiées. »
    Puis, après un
court exposé, il saisit un papier, avec la plume et l'encre qu'Ibn Sabur avait
devant lui.
    « Je peux
dessiner le tronc pour montrer plus clairement le dispositif. »
    Ibn Sina était
consterné. Bien qu'Européen, le dhimmi ne devait pas ignorer qu'en dessinant
tout ou partie du corps humain, on se condamnait à l'enfer, et qu'un seul
regard sur une telle image était un péché pour un vrai musulman. Etant donné la
présence du mullah et de l'iman Yussef Gamali, l'artiste qui se moquait de Dieu
en prétendant recréer l'homme serait jugé par une cour islamique et ne
deviendrait jamais hakim. Le jury reflétait diverses émotions : une
profonde déception sur le visage d'al-Juzjani, un léger sourire chez Ibn
Sabur ; l'imam était troublé et le mullah furieux.
    La plume
volait entre l'encrier et le papier. Un dernier trait et c'était trop
tard : le dessin était fini ! Rob le tendit à l'homme de Bagdad, qui
n'en crut pas ses yeux, puis il le passa à al-Juzjani, et le

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