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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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un cadavre de chien ! dit Marckham indigné.
Finalement, par une nuit froide où le brouillard cachait la lune, nous sommes
allés en barque le repêcher dans les roseaux et on l'a enterré décemment au
petit cimetière de Saint-Clément. C'était un devoir pour des chrétiens,
non ? »
    Après deux ans
de règne, Harthacnut à son tour mourait subitement au cours d'un festin. Le roi
actuel, Edward, était aimé du peuple ; il avait fait construire une bonne
flotte de vaisseaux noirs qui tenaient en respect les pirates hors des routes
maritimes. Toute cette histoire, embellie d'anecdotes et de souvenirs, donnait
soif à l'auditoire autant qu'aux conteurs, si bien que plusieurs soirs Rob
tituba en rentrant du Renard, et Mary dut déshabiller et mettre au lit un
ivrogne mal embouché.
    « Mon
amour, partons d'ici, lui dit-elle un jour.
    –
Pourquoi ? Où irions-nous ?
    – Nous pouvons
vivre à Kilmarnock, où j'ai mon domaine et une grande famille qui serait
heureuse d'accueillir mon mari et mes fils.
    – Donnons
encore une chance à Londres », dit-il doucement.
    Il se promit
d'être plus prudent au Renard et d'y aller moins souvent. Ce qu'il ne disait
pas à Mary, c'est que Londres n'était pas seulement pour lui un lieu où exercer
sa profession. C'était un grand projet. Ce qu'il avait appris en Perse faisait
désormais partie de lui-même, mais n'était pas connu ici. Il avait besoin des
échanges d'idée qui l'avaient enrichi à Ispahan ; cela supposait un
hôpital et Londres serait un lieu idéal pour un maristan.
     
    Un matin
d'automne, le soleil perçant à travers la brume, il se promenait sur un quai où
des esclaves entassaient des barres de fonte avant de les embarquer. Les piles
de lourd métal semblaient trop hautes, irrégulières et, quand un fardier recula
brutalement sous les coups de fouet du conducteur, la voiture heurta
l'échafaudage.
    Rob détestait
les fardiers ; il ne laissait pas ses enfants jouer sur les quais, où son
frère Samuel était mort écrasé dans des circonstances analogues. Il vit avec
horreur le nouvel accident qui venait de se produire. Sous le choc, une barre
de fonte avait glissé du haut de la pile, en entraînant deux autres avec elle.
Les cris d'avertissement vinrent trop tard : un esclave écrasé était mort
sur le coup, un autre, la jambe droite atrocement mutilée, s'était évanoui.
    Rob fit
dégager le corps et envoya un homme chez lui demander à Mary sa trousse
chirurgicale. Ne pouvant sauver ni le pied ni la cheville, il commença à
inciser la peau saine au-dessus de la blessure pour préparer l'amputation.
    « Qu'est-ce
que vous faites là ? »
    Celui qui se
tenait debout devant lui, Rob l'avait vu pour la dernière fois en Perse, chez
Jesse ben Benjamin, et il dut faire effort pour n'en rien témoigner.
    « Je
soigne un homme.
    – Ils disent
que vous êtes médecin.
    – C'est exact.
    – Je suis
Charles Bostock, marchand importateur, propriétaire de cet entrepôt, et je
n'aurais pas la sottise, foutre Dieu, de payer un médecin pour un
esclave ! »
    Rob haussa les
épaules. La trousse était arrivée ; il prit sa scie, coupa le pied écrasé
et ferma le moignon avec autant de soin qu'en aurait exigé al-Juzjani. Puis il
tapota le visage de l'esclave avec deux doigts, et l'homme gémit. Bostock était
toujours là ; il tint à répéter qu'il ne paierait rien, pas un penny.
    « Qui êtes-vous ?
demanda-t-il.
    – Robert Cole,
médecin rue de la Tamise.
    – Nous nous
sommes déjà rencontrés ?
    – Pas à ma
connaissance. »
    Il prit ses
affaires et s'en alla, laissant Bostock stupéfait, qui le suivit du regard un
long moment. Dans le Londonien à la courte barbe, avait-il reconnu le Juif
enturbanné d'Ispahan ? Y avait-il là un danger, surtout pour Mary et les
enfants ?
    Ce soir-là,
justement, elle parla de Kilmarnock, de son désir d'y revoir les siens, et Rob
entrevit une solution.
    « J'ai
encore à faire ici, dit-il en lui prenant les mains. Mais je pense que toi et
les petits vous pourriez partir sans moi. »
    Elle resta
immobile et muette. Sa pâleur accentuait la hauteur des pommettes, la minceur
du visage agrandissait les yeux. Les coins de sa bouche, qui la trahissaient
toujours, disaient sa peine. Enfin, elle parla d'un ton tranquille.
    « Si
c'est ce que tu veux, nous partirons. »
    Les jours
suivants, il changea dix fois d'avis. On n'était pas venu l'arrêter, fallait-il
tant s'inquiéter ? Bostock ne

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