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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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l'avait pas identifié, même si son visage
lui avait paru familier. Il voulait dire à Mary « Ne pars pas », mais
les mots ne franchissaient pas ses lèvres. Il avait peur ; mieux valait
les savoir tous trois ailleurs, en sécurité, pendant quelque temps.
    « Si tu pouvais
nous aider à rejoindre le port de Dunbar..., lui dit-elle. Là, les MacPhee, qui
sont de nos parents, assureront notre retour à Kilmarnock. »
    En cette fin
d'été, il trouva aisément un bateau pour Dunbar, qui partait moins de deux
semaines plus tard. Le capitaine, un Danois grisonnant, n'était pas fâché
d'être payé pour trois passagers qui ne coûteraient pas cher à nourrir. Il
restait peu de temps pour préparer le départ, remettre en état les vêtements,
choisir ce que Mary emporterait ou non. Rob promettait d'aller les retrouver
bientôt.
    « Mais...
si tu ne viens pas, si la vie nous sépare d'une manière ou d'une autre, sache
que les miens élèveront les garçons. »
    Il en fut plus
contrarié que rassuré et regretta sa décision. C'était la dernière nuit, ils se
touchaient comme deux aveugles pour retenir dans leurs mains les plus chers
souvenirs du corps de l'autre. Ils firent l'amour tristement, on eût cru un
adieu. Puis elle pleura et il la garda dans ses bras sans rien dire.
    Le matin, il
les conduisit à bord de l’ Aelgifu , un bon bateau viking, en chêne, avec
un seul mât et une grande voile carrée, qui saurait se garder des pirates et de
la tempête en suivant prudemment les côtes. Mary avait le visage fermé dont
elle s'armait contre les menaces du monde. Le pauvre Tarn était déjà pâle et
angoissé.
    « Continue
à faire travailler sa jambe », cria Rob en mimant les gestes du massage.
    Mary acquiesça
et se pencha vers Rob J. qui lança de sa voix claire un « Adieu,
Pa ! » auquel Rob répondit : « Dieu vous
garde ! » ils disparurent très vite et, les cherchant encore des
yeux, il resta longtemps sur ce quai où il était déjà venu quand il avait neuf
ans, seul dans Londres, sans famille et sans amis.

76. LE LYCÉE DE LONDRES

 
    Cette année-là, le 9 novembre, une femme nommée Julia Swane fut arrêtée comme
sorcière. Elle était accusée d'avoir changé en cheval volant sa fille de seize
ans et de l'avoir chevauchée avec tant de brutalité que la jeune Glynna était
estropiée pour toujours. On ne parlait que de cela en ville. Le propriétaire de
Cole jugeait odieux et criminel de traiter ainsi son propre enfant.
    Rob s'ennuyait
des siens et de leur mère. La première tempête était survenue plus d'un mois
après leur départ ; ils avaient sans doute depuis longtemps débarqué à
Dunbar et, où qu'ils soient maintenant, il les espérait en sécurité. Promeneur
solitaire, il revoyait les quartiers qu'il avait connus enfant. Devant le
palais royal, qui lui semblait autrefois le symbole même de la magnificence, il
comparait la simplicité anglaise et le luxe flamboyant du palais du Paradis. Le
roi Edward vivait surtout à Winchester, mais il l'aperçut un matin marchant en
silence parmi les gens de sa maison, pensif et renfermé. On disait qu'il avait
blanchi très jeune en apprenant comment Harold avait traité son frère
Alfred ; il faisait plus vieux que ses quarante et un ans, et moins royal
que le chah, mais lui au moins était vivant.
    L'hiver fut
précoce et pluvieux. Le solitaire passait souvent ses soirées au Renard,
essayant d'éviter l'alcool et les putains qui avaient perdu son père, mais les
fêtes de Noël furent une dure épreuve et, quand il quitta la taverne ce
jour-là, il avait énormément bu. Avisant deux marins qui corrigeaient à coups
de poing un homme en caftan noir, dont le chapeau de cuir avait roulé dans la
boue, il les interpella. Ils voulaient, dirent-ils, tuer ce sale Juif de
Normandie pour venger la mort du Christ. Excité par l'alcool, il se jeta sur
eux, les mit en fuite et se fit insulter. La victime en piteux état pleurait
surtout d'humiliation.
    « Que se
passe-t-il ? demanda un barbu au poil rouge et au nez congestionné.
    – Cet homme a
été attaqué.
    – Vous êtes
sûr que ce n'est pas lui qui a commencé ? »
    L'autre avait
retrouvé la voix pour dire sans doute sa gratitude, dans un français volubile.
    « Comprenez-vous
cette langue ? » demanda Rob au rouquin, qui secoua la tête avec
mépris.
    Il aurait aimé
parler au Juif dans la Langue pour lui souhaiter une fête des Lumières plus
paisible, mais, devant

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