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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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adossée contre un mur,
Marie-Christine, sous des grappes de cheveux vifs de Normandie pendant du
plafond, soulève des mèches blondes de chaque côté de ses oreilles. En tournant
ses doigts, elle essaie de faire des anglaises, d’imiter la coiffure inventée
par sa mère.

 
8.
     
     
    Quand
Louis-Henri pénètre dans le salon, il trouve sa femme prostrée sur une
chaise :
    — Est-ce
que ça va mieux, Athénaïs ?
    Elle ne répond
pas. Le marquis, devant la fenêtre, regarde les toits de la ville et le soir
qui vient.
    Un avant-goût
de l’ennui se profile à l’horizon. La marquise se mord l’intérieur de la bouche
en faisant des grimaces. Enfin, elle se met sur le ton des oracles :
    — Demain
ce sera pire, après-demain pire encore.
    Montespan
s’assoit devant la table de jeu, ouvre une tabatière en ivoire. Il tend une
prise parfumée à la bergamote à sa femme qui serre la bouche, détourne les
yeux. Il allume une longue pipe blanche à petit fourneau, prend le tabac en
fumée dans ce tuyau en os :
    — Pourquoi
tu dis ça ?
    Elle accommode
le cerceau au-dessus de son crâne, frotte son manchon, tantôt regarde son mari
jusqu’à le pénétrer puis baisse les yeux en jouant de l’éventail, dit deux mots
coupés incompréhensibles, laisse le temps suspendu, tombe dans un morne et long
silence.
    — J’ai
que je voudrais être à l’abri du cortège de misères et de créanciers que mon
mari m’offre chaque jour ! Je voudrais ne plus courir continuellement les
tabellions et les usuriers, ne plus engager notre nom et nos insignes de
noblesse ! Je voudrais ne plus te voir te cacher les jours
d’échéance !
    Louis-Henri
hausse les épaules et reprend sa tabatière :
    — Ah, je
sais, homme peu considéré, j’ai du crédit comme un chien à la boucherie. Je
suis plus pauvre que jamais mais j’ai ton cou, tes bras lestes et frivoles et
la caresse, nuit et jour, de ta parole. Je suis riche de tes yeux. Je ne vis
qu’en ton essence. Je suis riche de tes baisers sans nombre, la seule opulence,
crois-moi, et que me fait que le temps soit sombre s’il fait soleil en nous.
    — Il ne
fait pas soleil en moi.
    — Alors
je tenterai ma chance dans une autre guerre. On raconte que la France et
l’Espagne vont s’affronter en Flandre. Je te rapporterai des tissus de Gand,
des titres de gloire, des bijoux d’Anvers, de l’or en barre...
    — Ah, ne
me parle pas d’or, je ramperais ! Je ne suis plus en humeur de vivre dans
la pauvreté.
    — Pendant
ma campagne chez les Barbaresques, tu auras été pervertie par le luxe en allant
danser à Versailles...
    — Parbleu,
j’aime le luxe. Je n’en dors pas d’aimer le luxe des habits et des repas et des
danses et des lambris et tout le diable !
    Elle
étouffe :
    — Je veux
de l’argent, beaucoup ! Et il m’en faut tout de suite sinon ce serait une
catastrophe.
    Louis-Henri
murmure :
    — Pour
moi, le pire serait de dire un jour : elle n’est plus ici.
    Mme Larivière
entre dans le salon et dépose sur la table de jeu le dîner des Montespan :
des œufs frais et deux culs d’artichaut, un broc d’eau. Athénaïs tombe en
larmes, Louis-Henri se lève :
    — Allons
dîner et jouer au hoca, au piquet, à la quadrille, dans un cercle du Marais.
C’est là qu’on se divertit le mieux ! Et nous y boirons des vins de
Champagne !
    Dehors, le
chalumeau d’un peuplier étire sa longue flamme verte et s’étonne. Le
miroitement de ses feuilles aux vitres de la fenêtre répond aux frissons de la
marquise qui relève ses yeux en pleurs d’entre les paumes. Son mari
s’agenouille devant elle. Il lui baise les mains comme des châsses ou des bons
dieux de métal plus ou moins précieux :
    — Ce
matin, j’ai loué pour un an les chevaux de notre carrosse au blanchisseur de la
rue. Je devais reverser l’argent à un usurier. Tant pis, le Juif
attendra ! conclut Louis-Henri en enlaçant brutalement la taille
d’Athénaïs et relevant d’un geste ses jupes (modeste, friponne, secrète...).
    Mme Larivière,
gênée, demande :
    — Bon,
alors et moi, qu’est-ce que je fais du dîner ?... Dorothée passe-t-elle la
bassinoire pour tiédir votre lit ?
    Le mari
attrape sa femme comme une fille à soldat. Cuisses à nu de la belle et mollets
par-dessus les épaules du marquis ! Caresses et coups bien tapés, ils
défoncent la chaise. Mme Larivière s’en va, croise la domestique :
« Ne rentre pas là, toi. »
    Et les

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