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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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carmel ;
c’est assez de l’avoir dit. Sa femme de chambre s’est jetée à ses pieds pour
l’en empêcher ; peut-on résister à cela ?
    Les
fanfreluches des habits de tout le monde s’animent d’un rire tandis qu’elle
poursuit : « Elle a grossi d’un pied depuis que son malheur est
arrivé. Elle est étonnante. Chaque baleine que je vois me la rappelle. L’autre
jour, quand elle est descendue de son carrosse, j’ai aperçu une de ses jambes
presque aussi grosse que mon torse. Mais je dois dire pour être juste que j’ai
beaucoup maigri ! »
    — Aaah !...
    Des femmes se
lèvent et pissent sous leur robe. Des domestiques arrivent et passent la
serpillière. Montespan, attendri, regarde Athénaïs qui veut rayonner comme une
enfant joue à la princesse parmi les rires qu’elle déclenche. Sans doute parce
que les faits d’armes de Louis-Henri ont tourné court  – qu’il n’a pas
réussi à s’illustrer sur les champs de bataille pour capter l’attention du
monarque  –, sa femme a décidé de réussir, elle, et avec ses moyens.
Parlant de Mme de Guiche, entrée en disgrâce au palais, Athénaïs
l’achève :
    — Elle
est inégale jusqu’aux prunelles de ses yeux. Elle les a de différentes
couleurs, et les yeux étant le miroir de l’âme, ces égarements sont comme un
avertissement que donne la nature à ceux qui l’approchent de ne pas faire grand
cas de son amitié.
    Athénaïs
profère les vérités les plus assassines sur un ton naïf et l’air totalement
absent.
    — Mme de
Guiche se frise, se poudre elle-même, et mange en même temps. Les mêmes doigts
tiennent alternativement la houppe et le pain au pot.
    Elle mange sa
poudre et se graisse les cheveux. Le tout fait un fort bon déjeuner et une
charmante coiffure !
    Dans cette
société égoïste et frivole du Marais, infiniment peu charitable par nature, où
les luttes pour une faveur prennent un tour sauvage, Athénaïs excelle :
    — Le
confesseur du roi ? Ce père La Chaise est une vraie chaise de commodités.
Il a une maîtresse, Mme de Bretonvilliers, que je surnomme « la
Cathédrale ».
    La Montespan a
des persiflages pour tout le monde : « Mlle Untel ? Belle des
pieds jusqu’à la tête mais pas plus d’esprit qu’un petit chat » ;
« Mme Machin : ses grâces et ses beautés se sont tournées en
gratte-cul » ; « Le duc Bidule aime tant recevoir que chez lui
la nappe est clouée. Il a quelque faux brillant qui peut éblouir d’abord les
étourdis mais ne trompe pas les gens qui font des réflexions » ;
« Mlle Truc a beaucoup de suffisance et beaucoup d’insuffisance à la
fois » ; « Monsieur est la plus sotte femme du monde et sa
femme, Madame, le plus sot homme jamais vu. Son mari lui donne des enfants,
aidé d’un chapelet qu’il entoure autour de son vit, ce qui occasionne moult
cliquetis sous les draps conjugaux ».
    — Oooh !
    Les éclats de
rire des puantes gencives édentées des courtisanes idiotes et poudrées... On ne
peut rien voir de plus magnifique que les habits de tout ce monde. Louis-Henri,
lui, se sent gauche dans ses vieux vêtements et sous son immense et lourde
perruque mal ravaudée. Parmi les élégants déshabillés et mantilles de toutes les
couleurs, les boucles d’oreilles, les colliers, il se trouve un peu honteux,
encombrant, encombré. Athénaïs, front baissé sous les acclamations, redresse la
tête, aperçoit là-bas son mari seul, se lève et va vers lui :
    — Tu ne
t’ennuies pas, Louis-Henri ? Tu préférerais qu’on rentre ? Est-ce que
ça va ?
    — Ça va.
De te voir si contente d’être là, j’en suis heureux.
    — Tu es
gentil...
    — Quand
tu entres quelque part, les autres femmes deviennent invisibles. Quand tu
parles, tu les frappes de mutisme. Tu es tellement drôle, tellement belle...
    — Marquise,
votre mari a bien raison, s’exclame l’hôtesse  – la duchesse de Montausier
 – venant vers les Montespan en tenant dans ses bras une chatte à qui elle
fait porter descolliers et desboucles d’oreilles. Il n’y a pas
de femme en France qui ait plus d’esprit que vous et fort peu qui en aient
autant. Passer devant vos yeux, c’est passer par les armes.
    — Oui,
sourit Athénaïs, j’ai ce don de dire deschoses plaisantes et
singulières, toujours neuves, auxquelles personne ni moi ne s’attend.
    — Aaah !
    Le Montespan
pouffe, la duchesse de Montausier également et son mari, s’approchant,

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