Le Monstespan
en société tandis que
les nobles qui l’entourent font un concours de vents qui les amuse follement.
Elle-même lâche des perles. Le Montespan fond sur elle :
— Rendez-moi
Françoise !
— Qui est
Françoise ?...
— Ma
femme que je ne nommerai plus que par son nom de baptême. Athénaïs, cela fait
trop... Versailles. Vous m’avez pris mon épouse pour la livrer au roi.
Rendez-la-moi ! Je l’aime.
La Montausier
s’en étonne :
— Il y a
quatre ans que vous avez été unis par le sacrement du mariage et vous aimez
encore votre épouse ? Si je puis me permettre, votre poissonnier éprouve
le même penchant pour la sienne. Mais vous, monsieur, êtes marquis !
Croyez-vous que mon mari m’aime, moi ? Monsieur le duc,
m’aimez-vous ? ! fait-elle en tournant la tête à droite.
— Mais
bien sûr que non, lui répond son mari.
Montespan est
stupéfait :
— Pourtant,
dit-il au duc, c’est bien vous qui avez, jadis, fait écrire par les plus beaux
esprits du temps La Guirlande de Julie ? ... ce recueil unique de
madrigaux offert pour sa fête comme un bouquet plus délicat et plus durable que
celui de véritables fleurs.
— C’est
vrai... chaque poème comparait Julie à une fleur différente : la rose, la
tulipe... mais je convoitais surtout la dot de Mlle de Rambouillet.
Celle-ci
devenue sa femme ne s’en offusque pas le moins du monde, contrairement à
Louis-Henri :
— Pourtant,
en vous voyant tous deux, je croyais que...
— Si vous
jugez sur les apparences en ce lieu-ci, monsieur de Montespan, vous serez
souvent trompé. Ce qui paraît chez nous n’est presque jamais la vérité.
Le Gascon en
reste bouche bée.
— Quant
au roi, reprend la vieille à cheveux blancs, s’il estime de son devoir d’avoir
pour maîtresse votre femme, la plus belle de France, la plus désirable du
royaume, et de l’exhiber comme un trésor, il n’y a pas de quoi se fâcher et
venir nous faire quelque petite querelle d’Allemand. Vous feriez mieux
d’invoquer saint Léonard, patron des femmes en couches, pour l’arrivée du
bâtard !
Montespan n’en
croit pas ses oreilles. Capitaine de chevau-légers, il devient oublieux du bon
ton jusqu’à parler à la duchesse le langage des camps. Tout d’abord. une autre
fleur qu’elle pourra ajouter à sa Guirlande de Julie :
— Fleur
de cuistrerie et de méchanceté au parfum de lucre et de servilité poussée en
plein terrain d’hypocrisie !
— Oooh !...
— Ratatinée,
guenipe, ordure, vieille ripopée ! Bouge tes fesses de là et me chercher
ma femme où je t’explose le fondement !
— Oooh !
La duchesse se
met à trembler sous l’ombrelle tenue par l’esclave noir. La princesse
d’Harcourt, choquée par les propos sanglants du Gascon, en défèque dans sa
robe. Lèvres fort lippues et le cheveu filasse, elle a souvent une envie de
chier et une promptitude à s’en soulager tout debout, ce qui met au désespoir
ceux chez quielle va. Elle s’éloigne dans les lueurs du grand feu de la
cheminée se reflétant contre les lambris dorés, salit le parquet d’une
effroyable traînée. Lauzun, qui s’approche de Montespan, se marre et lui
raconte :
— Une
fois, un comte accommoda un pétard sous son siège dans ce salon où elle jouait
au piquet. Comme il allait y mettre le feu, moi (âme charitable) l’avisa que ce
pétard l’estropierait et l’en empêcha. Un autre soir, à Saint-Germain-en-Laye,
les courtisans firent entrer une vingtaine de gardes suisses avec des tambours dans
sa chambre qui l’éveillèrent dans son premier somme. Ils l’accablèrent de
boules de neige. Elle s’éveilla, échevelée, criant à pleine tête et remuant
comme une anguille sans savoir où se fourrer. La nymphe nageait dans son lit
d’où l’eau découlant de partout noyait sa chambre. Il y avait de quoi la faire
crever !
Louis-Henri
s’en va. Dans la rue, un chanteur clame un refrain d’actualité :
On dit que
la Montespan,
La
faridondaine, la faridondon,
On dit que
la Montespan
Cache un
petit bidon...
Rue des Rosiers,
à l’hôtel Mortemart, le Gascon est accueilli par le joufflu géniteur de
Françoise ! Le marquis demande aussitôt à son beau-père ce qu’il pense de
la catastrophe. L’autre répond :
— Dieu
soit loué, c’est la fortune qui entre dans notre maison !
Le gendre ne
comprend pas :
— Comment
ça ?...
Le duc de
Mortemart – gros yeux verts à fleur de tête, petite
Weitere Kostenlose Bücher