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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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le
nectar :
    — Et
ensuite, comme les enfants et votre mère, il faudra aller vous coucher,
capitaine.
    — Me
coucher... Dans les draps froissés, le corps embarrassé de rêves douloureux,
mes muscles me font mal. J’ai des vapeurs quand vient la nuit, un petit mal à
la bouche et des grimaces aux mains.
    Regards
échangés à la dérobée entre la cuisinière et le concierge qui, sur le plancher
craquant, va chercher un instrument de musique à cordes pincées dont il essaie
d’égrener quelques notes justes : « On met plus de temps à accorder
un luth qu’à en jouer. Sa pratique est délicate, contrairement à la guitare
venue d’Espagne. »
    Le marquis
s’ennuie dans la rustique solitude de Bonnefont Ses pensées amers le harcèlent.
Il a encore le goût des baisers de Françoise sur les lèvres. Il tend le bras
vers une bouteille clissée de ratafia à la rose qu’il saisit, pousse son banc
et sort. Dehors, les flocons blancs légers volettent comme du duvet.
    Englué dans la
boue des jours et des nuits devenus inutiles, il n’a plus qu’à prendre patience
et de la tisane de rhubarbe le soir tout le temps que sa femme fidèle, aimante,
sera prise dans le vertige de la faveur royale. Il voudrait tant qu’elle renaisse
à lui  – le souvenir de sa voix lui met le cœur en lambeaux.
    Assis sur le
muret des douves et face au château, les images de sa vie défilent dans sa
mémoire... Le visage de Françoise le hante, s’impose à lui et il souffre. Mme
Larivière ordonne à Cartet d’arrêter les grincements discordants du luth,
d’aller plutôt le ranger dans l’ancienne salle des gardes... Etla
vision de l’amour de Louis-Henri revient dans ses yeux mais c’est le concierge
à l’intérieur du castel qui, chandelier à la main, passe près d’une fenêtre. Le
marquis avale une longue rasade de ratafia (où il n’y a pas que de la rose) et
voudrait croire que c’est Françoise qu’il voit. Il se précipite vers la porte
de la salle qu’il ouvre en clamant :
    — Cartet,
allez vite chercher la robe de mariage de mon épouse et revêtez-la.
    — Quoi ?
    — Ensuite
vous passerez plusieurs fois devant les fenêtres avec la bougie. Pendant ce
temps, moi sur le muret, je vous regarderai, hips !
    — Mais
capitaine, je suis trop gros, surtout en culotte de peau d’ours, je ne
rentrerai pas dedans.
    — Eh
bien, dénudez-vous et puis laissez la robe délacée dans le dos.
    — Oh,
monsieur le marquis !...
    — Retirez
aussi le chapeau, Cartet : le chapeau, là, en castor avec les plumes. Il
faut que je croie que c’est Françoise.
    Assis au bord
des douves et liqueur de ratafia à la rose au bord des lèvres, Montespan lève
le cul de la bouteille et mate ses fenêtres. Il assiste au spectacle du
concierge imitant sa femme. Au début, il est déçu car Cartet passe devant les
vitres à grosses enjambées et voûté avec ses airs de tueur des âges anciens.
    — Mieux
que ça ! lui lance le marquis. Prenez des allures, faites des mines, soyez
plausible ! Faites semblant de vous poudrer le visage, je ne sais pas,
moi...
    Alors l’ancien
maréchal des logis s’exécute. Il avance en ondulant des hanches, virevolte sur
place avec des grâces dans les pognes devant son visage. Sous la neige et la
nuit, Mme Larivière, à l’ombre du carrosse cornu près d’une grande glycine, le
regarde. Montespan, hips, serre la bouteille vidée contre sa poitrine et
écarquille les yeux. Le noyau de sa nuit s’ouvre. Louis-Henri se retrouve
frappé des illusions et des fantômes. Il se lève, flotte quelques instants,
incrédule et errant avant de s’élancer vers l’ancienne salle des gardes. Mme
Larivière avance à son tour. En entrant, le marquis s’exclame :
    — Ces
jours furent trop longs à passer et depuis que tu es partie ils m’ont duré des
siècles, Françoise !
    — Hé,
capitaine, c’est moi, rappelle Cartet soudain enlacé par les bras trop amoureux
du marquis aux mains baladeuses. Monsieur de Montespan. Je suis votre
concierge !
    — Ah, que
tes lèvres sont douces, ma belle, fait le cocu cherchant à embrasser l’ancien
maréchal des logis. Et puis j’aime tes anglaises...
    — Ce sont
mes moustaches !
    — Retourne-toi.
Tu as déjà défait ta robe, coquine...
    Mme Larivière
s’approche et se place dans l’encadrement de la porte tandis que Montespan veut
absolument enfiler le concierge qui s’y oppose comme il peut, empêtré dans
l’habit de

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