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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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être le problème de Rhurin que le hobereau se fasse jeter sur le pavé de
Paris, en danger de perdre également jusqu’à la dernière motte de terre de son
domaine gascon.
    Montespan
croit que les Pyrénées lui tombent sur la perruque. Il rappelle inutilement à
l’huissier que selon la loi actuelle, quelles que soient ses raisons, une femme
ne peut quitter le domicile conjugal sous peine d’être privée de ses droits et
que, si elle est surprise en flagrant délit d’adultère, l’épouse risque le
carcan, le pilori ou le bannissement, avec perte de sa dot au profit de l’époux
si celui-ci ne l’a pas assassinée puisqu’on n’est passible d’aucune peine dans
ce cas-là.
    — A-avez-vous
l’intention de tuer la maîtresse du roi ? en bégaie François Rhurin.
    — Non,
bien au contraire...
     
    L’après-midi
même, à quatre heures et demie, entouré de nombreux miroirs, Louis XIV referme
sa culotte chamarrée puis écrit un mot :
     
    Monsieur Colbert,
     
    En passant à
l’instant par la salle de Conseil j’ai oublié de vous dire qu’il m’est revenu
aux oreilles que M. de Montespan étant à Paris se permet des propos indiscrets.
Il serait bien à propos d’observer sa conduite. C’est un fou plein de grandes
extravagances que vous me ferez le plaisir de suivre de près. Pour que son
prétexte de rester à Paris ne dure pas, voyez Novion afin qu’on se hâte au
Parlement. Je sais que Montespan menace de venir enlever sa femme. Comme il en
est capable, je me repose encore sur vous pour qu’il ne paraisse pas aux
alentours du Palais et qu’il sorte de Paris au plus tôt.

46.
     
     
    Montespan
avance dans le parc du château de Versailles comme un loup dans la forêt de
Bonnefont. Il rôde parmi les alternances des parterres de gazon et de fleurs,
suit, tête baissée, les plans d’eau  – miroirs qui font du ciel un élément
du jardin à la française. Il se cache de profil derrière les statues. Il
s’accroupit à l’abri des épais massifs de narcisses, hyacinthes, iris, anémones
peluchées, progresse à pas souples vers le palais...
    Versailles est
un chantier permanent. Trente-six mille hommes y travaillent : tailleurs
de pierre, maçons, charpentiers, couvreurs, terrassiers, manœuvres... Ils
logent en bordure de l’immense domaine royal dans des baraquements surnommés
« hôtels de Limoges » car la plupart des ouvriers de la pierre sont
originaires du Limousin et de la Creuse. En été le labeur se poursuit à la
lueur des flambeaux. Des tentes font office d’infirmerie et les officiers du
serdeau revendent les restes des plats de la cour dans des baraques en bordure
du château. Montespan a profité en plein jour de ce fourmillement incessant
pour se cacher sous la bâche d’une charrette transportant des pieds d’ananas et
des plants de petits pois dont le roi raffole, des tonneaux de glace aux
fruits. Sitôt une porte de service du mur d’enceinte franchie, Louis-Henri a
quitté le véhicule et s’est planqué dans les buissons.
    Cinq mille
courtisans désœuvrés et cachant leur vérole sous le fard se croisent dans les
allées, se saluent ou s’ignorent superbement et le Gascon avance dos courbé
vers l’arrière du palais. Il veut enlever Françoise à Versailles - « Il
faut que je la sorte de là » - mais c’est impossible. Il l’aperçoit au
loin, dix fois plus protégée que la reine. Quarante gardes du corps pour elle
seule l’accompagnent  – des officiers qui scrutent les alentours tandis
qu’elle monte les marches de la demeure royale que le cocu gravit à son tour.
    Un jeune
sergent chargé de filtrer l’entrée demande aux gens qu’il ne reconnaît pas leur
identité : « Qui êtes-vous ? » Devant Louis-Henri, des ducs
et des princes vexés répondent n’importe quoi : « Jules
César ! ». « Le pape ! ». Le garde fait un peu la
gueule de devoir affronter ces plaisanteries qu’il ne juge pas fines mais se
force quand même à sourire avec déférence en les laissant passer. Lorsque le
Gascon se présente : « Monsieur de Montespan », là, le sergent
éclate de rire :
    — Ah,
ah ! Voilà, ça c’est drôle comme blague Entrez, monsieur de...
Montespan ! Ouh, ouh, ouh !
    À l’intérieur
du palais, ce sont des bruits permanent toute la journée. Des ouvriers cassent
des cloisons, des domestiques courent les étages, des solliciteurs piétinent
dans les galeries. Louis-Henri se trouve vite saoulé par

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