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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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un mot : il peut bien lui faire
présent d’un duché sans m’appeler pour cela à l’aide. Qu’il la fasse princesse
et même altesse s’il le veut. Il a toute puissance. Je ne suis qu’un roseau, il
est un chêne. Si Mme de Montespan rêve les ambitions, la mienne est depuis
quarante ans satisfaite. Je suis né marquis, je mourrai marquis, à moins d’une
catastrophe imprévue...
    Et Louis-Henri
s’allonge à nouveau sur le muret. Avant-bras croisés par-dessus les yeux, il
s’endort.
    Il n’entend
même pas cogner les fers de la monture du chancelier qui s’éloigne. Le chant
des grillons reprend.

 
45.
     
     
    — Quoi ? !...
Comment ça, aurait-elle explosé de colère devant Hyde, il me prive du
tabouret ? Alors je vais finir de le ruiner totalement, le dépouiller
jusqu’à l’os, ce gardeur d’oies, ce torche-cul vulgaire comme un meuble utile
au ménage !
    — Mais de
qui parlait-elle ?
    — Eh
bien, de vous bien sûr, marquis.
    — De
moi ?
    Louis-Henri en
grimpant l’escalier, rue Taranne, n’en revient pas. Ce que dit maintenant de
lui l’amour de sa vie !... M. et Mme Abraham, aux côtés du Gascon,
grimacent, embarrassés et perplexes.
    — Cette petite
s’est métamorphosée, soupire Constance.
    — La
pauvre, au Tripot, ne se rend plus compte de rien, l’excuse le cocu. Elle
m’avait prévenu : « Versailles est un pays effroyable et il n’y a pas
de tête qui n’y tourne. La cour change les meilleurs. » Je dois la sortir
de cet enfer, poursuit-il tandis qu’un garde, sur le palier du premier étage,
l’écoute et qu’un huissier fait l’inventaire du salon près d’un secrétaire qui
note :
    — Une
tapisserie de Rouen représentant l’histoire de Moïse, huit sièges pliants, deux
chaises torsadées rembourrées de crin, une glace de Venise de... trente pouces
de haut, une petite table...
    Au fur et à
mesure que l’homme de loi énumère les meubles, des gardes les descendent dans
la rue pour les charger sur une charrette de la police. L’huissier reconnaît le
marquis et se présente : « François Rhurin. Au-dessus, c’est la
cuisine ? Vous permettez ?... » Il passe devant Montespan et au
deuxième étage recommence à dicter :
    — Des
broches et des poêles en fer, des casseroles et poêlons en cuivre étamé...
    Le perruquier
Joseph Abraham plisse une mine réellement désolée vers son locataire :
    — Quand
ils ont posé les scellés et prévenu du jour de la saisie, on vous a
immédiatement écrit. Ah, si vous aviez accepté ce titre que Sa Majesté proposait...
    — Je ne
veux pas de la couronne ducale pour les exercices de ma femme.
    — ...
Lardoires, rouleaux, un mortier de marbre et son pilon.
    L’huissier
faisant ses comptes grimpe vers la chambre du troisième étage, suivi du
vieillissant couple Abraham à qui Montespan explique en lâchant des brocards
sans souci des oreilles malveillantes :
    — Les
juristes du roi m’attaquent sur mon point faible : l’argent. Au nom de
Françoise, ils me réclament le remboursement de sa dot que je n’ai jamais
touchée ! Je n’ai perçu que les intérêts. Mais en me portant ce coup bas,
ils s’exposent à ma riposte cinglante. Sitôt arrivé ce matin à Paris je me suis
retourné vers mon beau-père et au risque de provoquer l’effondrement définitif
de la maison Mortemart, je lui réclame le versement immédiat des soixante mille
écus demandés par les avocats de sa fille. Devant cette attaque, les plaignants
vont j’espère arrêter les frais et mettre leurs déraisonnables prétentions en
sourdine !
    — Un lit
de noyer, une couverture... Monsieur le marquis, j’estime l’ensemble pour un
prix total de neuf cent cinquante livres qui seront versés à votre femme.
    — Neuf
cent cinquante livres..., répète Louis-Henri. Elle fait saisir mes meubles pour
neuf cent cinquante livres alors que le roi lui édifie un palais en mosaïque
chinoise à trois millions d’écus.
    Il en éclate
de rire. « Elle n’a plus les pieds sur terre. »
    L’huissier
annonce que le Parlement décidera sans doute d’en faire de même avec les autres
biens du marquis en Guyenne sauf s’il paie, séance tenante, la dot plus les
quatre mille livres annuelles de pension alimentaire, depuis leur séparation de
corps, que réclame la favorite.
    — Mais
comment le pourrais-je ? Je n’ai plus une pistole en poche et ne sais même
pas où dormir cette nuit.
    Ça ne paraît
pas

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