Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
de l’ Avesta , le livre sacré persan, en font une
description qui l’assimile aux héros de Lumière des traditions occidentales et
au saint Michel du Christianisme : « Tu protèges les nations bienveillantes
à Mithra, seigneur des vastes étendues ; tu mets en pièces qui le lèse ;
qu’il nous vienne en aide, Mithra qui est craint, le victorieux, digne de la
prière et des sacrifices, le brillant maître des nations. » Et encore :
« Je veux sacrifier à Mithra, le bénévole, le puissant, le céleste, le
suprême, qui est plein de miséricorde ; l’incomparable habitant des
hauteurs, le guerrier fort et vigoureux, le vainqueur possédant une arme bien
faite qui veille dans les ténèbres et qu’on ne trompe pas. » [55]
Mais l’exploit le plus célébré du Mithra iranien reste
évidemment la mise à mort du taureau. Des textes comme le Bundahisn et le livre apocalyptique Ayatkar i Zamaspik font allusion à la création d’un
taureau générateur par le Dieu de la Lumière Ahura-Mazda. Mais les forces du
Mal, c’est-à-dire toujours ces mêmes puissances telluriques et aquatiques, s’emparèrent
de ce taureau, provoquant le déséquilibre du monde. D’où l’intervention de
Mithra pour récupérer le taureau, l’éliminer même, mais en recueillir le sang, c’est-à-dire
la puissance, et la partager équitablement entre les hommes et les Dieux. Mithra
est le redresseur de torts par excellence, parce qu’il est l’équilibrateur du
monde, ce qui est conforme à son rôle dans la mythologie védique où, à côté de
Varuna, il représente l’élément juridique, la royauté qui assure à chacun son
dû, la fonction de répartition de la vie et de la nourriture ainsi que le
partage du breuvage d’immortalité.
Et, bien entendu, Mithra, surtout dans le culte qui s’est développé
dans l’Empire romain, jusqu’aux extrêmes limites de l’Occident, a gardé et même
accentué son aspect solaire lumineux. Il a vraisemblablement été assimilé à
Lug-Mercure, et il n’est pas étonnant que saint Michel ait pu le remplacer
aussi facilement au Monte-Gargano comme au Mont-Tombe : au sens littéral, il
est Belenos, c’est-à-dire le « Brillant ».
Il est aussi le Sol invictus , le « soleil
invaincu ». Et comme tout laisse à penser que chez les anciens
Indo-Européens le soleil était toujours féminin, Mithra a dû remplacer une
antique divinité solaire féminine. D’ailleurs, une remarque d’Hérodote nous l’indique :
les Perses, dit-il, appellent Aphrodite Mithra (I 130), ce qui fait voir sous
un jour nouveau le fameux couple mythique Mithra-Varuna. Hérodote nous dit en
effet dans le même passage que les Perses sacrifient d’abord au Ciel qu’ils
appellent Zeus, et ont appris des Assyriens à sacrifier à Ourania. Celle-ci
correspond sans aucun doute à la déesse du Ciel primitive dont le nom était
Varuna, et c’est Varuna qui a été masculinisé. Il semble bien, d’après ce
témoignage d’Hérodote, généralement bien informé sur les croyances archaïques
de l’Orient, que la Grande Déesse était connue dans l’Iran sous deux aspects. Elle
aurait d’abord formé un couple avec Ahura-Mazda, puis ces deux personnages se
seraient confondus, au moment du renversement des valeurs, en une entité
masculine, Mithra : mais l’aspect de celui-ci a gardé quelque chose de l’ancienne
déesse, car il est beau, jeune et rayonnant. Il est véritablement un « Archange
de Lumière ».
On peut en déduire que Mithra est le strict équivalent de Sigurd
et de tous les héros qui s’attaquent aux Dragons des Ténèbres. Le Taureau est
bel et bien une des images que revêt le Dragon, image monstrueuse des forces
brutales et instinctives qui se déplacent vers le bas :
le rôle du héros est donc de les faire remonter vers
le haut afin de revenir à l’équilibre harmonieux sans lequel rien ne
peut exister. En ce sens, l’absorption du Dragon ou du Taureau par le héros
sacrificateur, absorption suivie d’ingestion et de digestion, constitue la
seule explication possible du mythe de l’Archange combattant le Dragon. On
remarquera que jamais le héros ne veut éliminer ou anéantir le Dragon, pas plus
que jamais un exorciste digne de ce nom ne veut « chasser les démons ». Il ne s’agit pas d’éliminer ou, de chasser mais d’intégrer les forces représentées par le Dragon, forces qui ont pu être momentanément
dévoyées et que le héros a pour
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