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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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coupé la langue et l’a serrée contre lui dans son vêtement. Mais ce contact
l’empoisonne. Il perd connaissance, ce qui permet à un usurpateur de couper la
tête du Serpent et d’aller trouver le roi d’Irlande pour lui demander la main d’Yseult,
ce qui est le prix convenu pour la victoire sur le monstre. Yseult, plutôt
sceptique envers l’usurpateur qu’elle considère comme un lâche, s’en va
rechercher le véritable vainqueur, le trouve inanimé, le ramène et le guérit. Tristan
confond ensuite l’usurpateur en exhibant la langue du Serpent. Ici, il n’y a ni
manducation ni bain dans le sang du Dragon, mais il y a contact, et ce contact
avec l’animal fabuleux peut suffire à lui procurer cette invulnérabilité. Et il
en est presque ainsi, de façon analogique, dans le conte occitan de La grande Bête à tête d’homme .
    En effet, le jeune homme qui est le héros de l’aventure, après
avoir pris certaines précautions, et en particulier après s’être fait initier
auprès de l’archevêque d’Auch, est allé jusqu’au repaire du monstre. Celui-ci
lui pose des questions auxquelles il doit répondre. Il répond correctement aux
questions de la Bête et pose à celle-ci d’autres questions qui demeurent sans réponse.
La Bête doit s’avouer vaincue, et elle dit au héros : « Écoute, je
vais mourir. Bois mon sang, suce mes yeux et ma cervelle. Ainsi, tu deviendras
fort comme Samson et tu ne craindras personne sur terre. Arrache-moi le cœur. Porte-le
à ta maîtresse et fais lui manger tout cru le soir de vos noces. » L’analogie
avec la légende de Sigurd est on ne peut plus nette : le héros occitan
acquiert l’invulnérabilité par l’absorption du sang, de la cervelle et des yeux
du Dragon, et, de plus, la femme aimée sera fortifiée par le cœur du monstre.
    Si l’on comprend bien, cette absorption du Dragon par le
héros permet à celui-ci d’entrer en possession des qualités supérieures de sa
victime. Et si cette victime est une sorte de divinité tellurique – ce que
représente le Dragon –, le symbole est clair : par son action sur la terre,
le héros se nourrit des fruits de la terre. Les richesses que possédait ou
gardait le Dragon, ou toute bête fantastique du même genre, c’est la nourriture
fournie par la terre. Cela à la première lecture. Mais, au second degré, il s’agit
bel et bien des secrets de la terre, autrement dit des secrets de la nature, ceux
que la Terre-Mère garde jalousement pour elle-même. Et ce sont seulement des
fils révoltés et audacieux qui peuvent, par le moyen d’une transgression, s’emparer
de ces secrets. C’est par ces prolongements que l’image du Dragon commence à s’estomper
pour laisser place à celle d’une entité autrement plus abstraite et plus
spirituelle, une entité que l’on a souvent nommée la Déesse-Mère, et qui est
aussi la Mère universelle des êtres et des choses. Car le Dragon, avant d’être
un Serpent tortueux, a été une divinité féminine maternelle. Le rapport que l’on
établit parfois entre le Serpent et le phallus est récent. Le Dragon est
essentiellement un être de genre féminin dont le héros vainqueur s’approprie
les vertus et les fonctions.
    À ce stade de signification, une comparaison s’impose entre
le thème du Dragon et celui du Taureau poursuivi et tué par le dieu solaire
Mithra. Répétons-le, la fondation du sanctuaire du Monte-Gargano et du
sanctuaire du Mont-Saint-Michel est absolument liée à une affaire de taureau
poursuivi, mais sauvé in extremis par le saint
inspiré par l’Archange Michel. C’est comme si Michel se substituait au dieu
Mithra, et faisait grâce à l’animal, un peu comme l’Ange du Seigneur, apparaissant
à Abraham et lui demandant d’épargner Isaac qu’il est en train de sacrifier. Cela
ne dispense pas de s’interroger sur la relation étroite qui semble exister
entre le Taureau de Mithra et le Dragon de saint Michel, qui est aussi celui de
Sigurd et celui de Tristan.
    On sait en effet que le culte de Mithra était célébré par le taurobole , c’est-à-dire par le sacrifice d’un
taureau placé sur une grille, au-dessus d’une fosse. Dans la fosse, se tenaient
les adeptes qui recevaient ainsi le sang du taureau qui était censé leur
procurer la puissance spirituelle et la vie éternelle. Il s’agissait donc d’une
sorte de baptême à la fois initiatique et régénérateur par lequel on parvenait
à un « état de

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