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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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symboliste : à travers Rimbaud et Mallarmé, la
porte était ouverte sur les mystères d’une poésie contemporaine que la plupart
de mes condisciples s’obstinaient à considérer comme totalement hermétique
sinon comme absurde. Tous ? Non, il y avait Jean Cathelin, qui, lui, était
déjà familiarisé avec cette poésie et qui la pratiquait, provoquant l’admiration
de quelques-uns et le sourire narquois de la majorité. Jean Cathelin
connaissait des poètes vivants , et chacun sait
que les poètes appartiennent à une race disparue, cela à n’importe quelle
époque. Il noircissait des pages entières de poésie pendant les cours de
mathématiques, et j’avoue que, à son contact, je commençai à en faire autant. Cathelin
avait ceci de rare, c’est qu’il était capable de parler de n’importe quoi avec
talent. Je l’ai compris, plus tard, lorsque lui et moi, nous « débutâmes »
pompeusement dans la « carrière littéraire » autour d’un inconnu qui
s’appelait Hervé Bazin, lequel avait fondé une revue intitulée La Coquille , et à laquelle participaient d’autres
inconnus qui avaient nom Charles Le Quintrec ou Robert Sabatier.
    Mais nous n’en étions pas là en cet hiver 1942-1943. Je buvais
littéralement les paroles calmes et pondérées de Jean Hani. Son sourire était
la caution de ce qu’il affirmait avec tant de force et de conviction. Il s’égarait
parfois dans de vastes visites des mondes enfouis aux confins d’un Moyen Âge
encore à peine échappé aux visions de Victor Hugo et de Viollet-le-Duc. Mais
Jean Hani savait ce qu’il faisait : il m’inoculait un virus qui jamais
depuis n’a pu être délogé de mon sang. Cher Jean Hani ! Que serai-je
devenu sans vous ? Vous m’avez montré l’entrée d’un chemin que j’ai essayé
de suivre le plus honnêtement possible, comme vous, plus tard, j’ai dévoilé l’entrée
d’un palais merveilleux à des élèves qui, depuis, semblent avoir fait carrière
avec quelque bonheur dans le difficile royaume des Lettres. Ainsi va le monde, et
nous ne sommes, chacun d’entre nous, que les maillons d’une chaîne. L’essentiel
est de croire que cette chaîne ne sera jamais interrompue et qu’il y aura
toujours des hommes comme Jean Hani, capables de faire aimer à de jeunes
écervelés les beautés de la poésie et de l’Art. Et aussi de faire comprendre, sans
le dire vraiment, que nous sommes fils des bâtisseurs de cathédrales, et que
cette cathédrale n’est jamais terminée.
    C’était aussi l’époque où un film faisait fureur auprès d’un
public sevré de superproductions américaines, mais plutôt rétif devant les
laborieuses confiseries germaniques plus ou moins engendrées par les services
de la Propagandastaffel. Ce film, c’était Les
Visiteurs du soir , de Marcel Carné, avec des dialogues de Jacques
Prévert et de merveilleuses mélodies de Maurice Thiriet. J’y avais découvert de
stupéfiants acteurs comme Arletty et Jules Berry. J’y avais admiré la voix et
le maintien d’Alain Cuny, poète maudit hanté par le Diable, et avec lequel, par
la suite – cela, je ne m’en doutais pas non plus –, j’ai eu l’occasion de
travailler pour la célébration de la poésie. Et j’y avais également découvert
un Moyen Âge que j’attendais, bien qu’il fût en carton-pâte. Il suffit parfois
d’une illusion pour vous donner le sens de la réalité. Ce goût pour le Moyen
Âge, renforcé ensuite par un autre film, L’Éternel
Retour , transposition de la légende de Tristan et Yseult par Jean
Delannoy et Jean Cocteau, n’allait désormais plus me quitter. Et je dévorais
tous les ouvrages qui traitaient de la littérature médiévale, ouvrages fort
rares à cette époque, et que je recherchais avec une patience que je peux qualifier
d’angélique. J’ouvrais tous les livres d’art qui me montraient des
architectures compliquées, avec des arcs-boutants qui s’entremêlaient dans mon
imagination, ne formant plus qu’une vaste et ténébreuse forêt de pierres, à
travers laquelle brillait le soleil rouge que j’espérais toujours découvrir à l’ouest
du monde. À vrai dire, je ne saisissais pas très bien la différence entre l’art
roman et l’art gothique. Je savais seulement que le mot « gothique »
était un terme péjoratif inventé par les gens du XVII e  siècle
classique pour rendre compte d’une barbarie honnie et rejetée sous les stucs du
néo-grec. Et je

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