Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
(ou
intracosmiques), les Âmes universelles et les Êtres supérieurs, c’est-à-dire
les Anges, les Démons (au sens du grec daimôn )
et les Héros. C’est une vue de l’esprit, mais elle rend compte de la difficulté
qu’il y a à imaginer une relation entre le communicable et l’incommunicable.
« Les Dieux suprasensibles ne peuvent se manifester aux humains que par et
sous la forme des Anges qui sont leur émanation [15] . »
C’est ce qui ressort d’une lecture attentive de la Bible : tout phénomène
de théophanie passe par une « mise en forme » de l’Esprit pur. Et
cela touche le problème de la connaissance humaine : « L’hénade des
hénades et toutes les hénades, le Dieu des Dieux et toutes les divinités, étant
inconnaissables en soi pour les terrestres, tous les univers des Dieux au-delà
de notre monde resteraient le monde de l’Irrévélé, le monde du silence, s’il n’y
avait l’Ange. L’Ange est l’herméneute, le
messager de lumière qui annonce et interprète les mystères divins. » Donc,
à la fonction de théophanie s’ajoute la fonction révélatrice : grâce au messager , l’être humain peut avoir accès au plan
divin et tenter de l’appliquer. Il y va de l’évolution du monde, et chacun est
appelé à participer à cette évolution dans la mesure de ses moyens et de sa
connaissance pragmatique du plan divin.
Tout cela mène à une conception qui est celle de toutes les
Gnoses, qu’elles soient néo-platoniciennes ou autres : l’être humain est
descendu des mondes supérieurs pour demeurer dans un corps matériel à l’intérieur
du monde terrestre. Le problème qui n’est pas résolu et qui est le cheval de
bataille des diverses religions, c’est celui de la cause et de la finalité de
cette descente de l’Être. Si l’on se borne à chercher la cause, on retrouve immédiatement
le thème d’Adam et Ève, même quand il est transposé et intellectualisé comme
chez Pythagore (les âmes trop lourdes) ou bien encore chez les théologiens
cathares pour lesquels l’âme humaine est un Ange piégé par Satan et retenu prisonnier
dans la matière. À chercher uniquement la cause, on en vient à considérer la
descente comme une chute, c’est-à-dire comme une déchéance : alors
apparaît la notion de culpabilité. Le Christianisme orthodoxe, comme l’hébraïsme,
comme le catharisme héritier d’un lointain manichéisme, met l’accent sur cette
culpabilité, ce qui lui évite de poser la question fondamentale : est-ce
que la « chute », c’est-à-dire la prise de conscience d’Adam et Ève, ne
faisait pas partie du plan divin ? Et la théologie chrétienne d’insister
sur la rédemption, c’est-à-dire la possibilité pour l’Être tombé ainsi bien bas
de réintégrer, sous certaines conditions, le monde lumineux d’où il tire son
essence.
Car il est possible d’examiner la seule finalité de la
descente, en laissant de côté tout ce qui concerne la cause, cette cause étant
considérée comme faisant partie du plan divin établi de toute éternité. À ce
moment-là, la descente n’est plus une chute, mais une dynamique concrétisée à
travers les péripéties d’une évolution qui n’aura jamais de fin. C’est par ce
postulat que les thèses gnostiques néo-platoniciennes rejoignent les théories
actuelles, parfaitement scientifiques, qu’on appelle l’ Entropie : le cosmos (et donc Dieu lui-même) n’est
pas, il devient, et ce sont tous les êtres qui participent à son devenir.
Dans ces conditions, que l’âme humaine soit un Ange qui se
dégage de sa corporalité ou un être inférieur prenant brutalement conscience de
sa spiritualité (l’Arbre d’Adam et Ève), c’est-à-dire s’éveillant à une
dimension nouvelle et découvrant près de lui des entités déjà dégagées – les
Anges –, l’accent est mis sur le rôle essentiel que doivent jouer les Anges, sous
quelque nom qu’on les désigne, sous quelque forme qu’on les représente, dans le
processus d’évolution qui est celui du cosmos tout entier. Leur place dans les
hiérarchies ainsi supposées est le résultat de leur propre évolution, et leur
fonction dépend de cette place dans la hiérarchie. Ainsi s’explique le culte
des Anges. Ainsi s’explique la croyance en la présence d’un Ange gardien auprès
de tout être humain, Ange gardien qui est à la fois théophane, montrant à l’humain
la lumière que celui-ci doit atteindre, et
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