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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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brusque volte-face, qui n’aura
guère surpris que les théologiens eux-mêmes et non la foule inculte des fidèles,
ce Concile de Nicée abandonna définitivement l’identification Jésus-Ange au
profit de la reconnaissance d’un Jésus-Dieu-Homme et en mettant en relief l ’homoousios , c’est-à-dire le principe de consubstantialité
du Père et du Fils. Le Christos ne sera donc
plus l’être d’exception doué d’une essence céleste supraterrestre et envoyé
pour accomplir une mission angélique (comme l’étaient,
à un moindre degré, les Anges de l’Ancien Testament), mais le Fils de l’Homme , Dieu lui-même fait homme pour
assurer le rachat de l’humanité. Certes, ce n’était pas sans raison que le
Concile de Nicée procédait à cette réforme fondamentale de la doctrine encore
balbutiante de l’Église romaine. Il s’agissait avant tout de réagir contre les
multiples interprétations qui allaient donner naissance aux courants dits
hérétiques, et d’affirmer une position précise – faute d’être très claire – sur
la nature de Jésus. Les Anges étaient ainsi renvoyés derrière Jésus qu’ils
avaient d’ailleurs mission de servir en même temps que les autres humains, et
leur rôle, bien que très important, n’en était pas moins jugé comme secondaire.
Ils étaient des rouages dans l’immense machine élaborée par les Pères de l’Église.
Cela n’empêchait nullement l’angélologie de constituer un élément indispensable
dans la recherche théologique. Si le Concile de Nicée avait écarté l’hypothèse
d’un Christos Angelos , c’était aussi parce que
la tendance eschatologique n’était plus conquérante chez les Pères de l’Église :
il y avait beau temps qu’on ne croyait plus à l’imminence de la fin du monde
que l’on avait pourtant discernée dans les textes dits apocalyptiques. « Toujours
est-il que dans la mesure où il cessait d’être eschatologique en son essence, le
Christianisme avait à s’établir dans l’Histoire,
et à “faire de l’histoire”, comme toute autre institution en ce monde. On n’entre
pas dans l’Histoire, on ne devient pas une puissance historique et on ne fait
pas de l’histoire avec des théophanies et des visions d’Anges, qui précisément
libèrent de l’Histoire… On ne parla plus du vrai Prophète ni de Christos
Angelos, mais de l’Homme-Dieu. Et peut-être le sort de la pensée et de la
culture occidentale fut-il ainsi réglé pour quelque dix-sept siècles. » [17]
    Les Anges furent donc abandonnés aux théologiens qui ne
risquaient pas de se faire entendre du peuple, aux poètes et aux visionnaires
mystiques qui ne dérangent personne lorsqu’on sait les laisser à l’écart en cas
de paroles malencontreuses. Mais il ne suffit pas d’écarter pour résoudre le
problème. Quoi qu’on pût faire et dire, les Anges appartenaient de droit et de
fait à ce qu’on peut appeler la mythologie judéo-chrétienne. Ils avaient donc
leur part dans l’imaginaire, comme dans la tradition théologique elle-même. Ils
revinrent donc en force, bien que sous des aspects légèrement différenciés, dans
les rites et les croyances du peuple chrétien. Et, très tôt, ils apparurent
comme très utiles pour expliquer, sur un plan cosmologique, l’âpreté de la lutte
entreprise par les hommes contre le Mal et contre toutes les forces dites
obscures. Puisque l’homme avouait sa faiblesse en face du Mal, et que ce Mal
prenait de plus en plus une dimension métaphysique, les Anges se trouvèrent là
fort opportunément pour contrer, de façon symbolique, les puissances mystérieuses
que suscitait le Mal. Cela n’était d’ailleurs pas difficile : il suffisait
de détourner le sens du combat eschatologique tel qu’il apparaît dans l’Apocalypse,
dans certains Évangiles et dans l’Ancien Testament, et d’en faire un combat
éternel entre deux forces antagonistes qui se partagent le monde des réalités, mais
qui contribuent également – sur un plan strictement métaphysique – à en assurer
l’équilibre. Là, l’attirail biblique rencontrait certaines mythologies païennes,
en particulier celle des Germano-Scandinaves : les Anges furent un peu ce
qu’étaient les héros de la Valhöll (le Valhalla), à savoir un réservoir de
guerriers empêchant les géants du Chaos et de l’obscurité de pénétrer dans le domaine
d’Asgard, celui des Dieux et des Hommes. Soit par leur aide quotidienne

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