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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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psychopompe, conducteur d’âme, en ce
monde et dans l’autre. Car la solidarité entre les diverses catégories d’êtres
– c’est-à-dire d’êtres en divers degrés d’évolution – est inéluctable ; rien
de ce qui se fait en bas n’est indifférent à ce qui est en haut, et inversement,
sinon la vie, et le monde lui-même, perdraient toute justification, et il
faudrait en revenir à la thèse matérialiste d’Épicure concernant le clinamen , thèse qui est surtout une renonciation à
se poser des questions.
    Mais entre cette position proprement agnostique et les systèmes
hérités du néo-platonisme que les Pères de l’Église et les penseurs
scolastiques ont tenté de mettre au point, la marge demeure importante quant à
l’interprétation du symbole de l’Ange.
    Ne parlons pas des « visionnaires » : leur
vision ne peut s’exprimer autrement que par des images appartenant au contexte
culturel de l’époque dans laquelle ils ont vécu. Les visions de Jacob Böhme ou
de Catherine Emmerich appartiennent à la même tradition que celles d’Isaïe ou d’Énoch :
il s’y ajoute seulement des éléments d’appréciation qui découlent d’une angélologie
plus développée et surtout plus marquée par la réflexion philosophique.
    En fait, le Moyen Âge a inventé une autre façon beaucoup
plus simple de voir les Anges , c’est de les
incarner dans la condition humaine, et cette façon nouvelle est exprimée
magistralement par saint Jérôme lorsqu’il dit : « Ce que les Anges font
au ciel, les moines le font sur terre. » Voici d’ailleurs une justification
de la vie monastique qu’on a eu trop tendance à oublier au profit d’une
attitude négative, pour ne pas dire masochiste, de régression et de macération.
La purification de l’être, but essentiel du monachisme, ne passe pas forcément
par la souffrance et la privation : elle peut très bien prendre la voie
royale de l’épanouissement, du dépassement, à l’image de ces moines irlandais
du Christianisme celtique qui pratiquaient une sorte d’excès de leurs capacités
afin de parvenir à l’héroïsme transcendant, et donc d’acquérir la fameuse lumière du héros célèbre dans l’épopée celtique
pré-chrétienne [16] . Et si nous voulons être
des Anges, vivons comme nous supposons qu’ils vivent, semble dire saint Jérôme.
Cela est aussi à l’image de la société celtique primitive qui tentait d’instaurer
sur terre la société céleste voulue par le plan divin. Et cela reste conforme à
la parole de Luc (XII, 4) : « Tout ce que vous aurez dit dans les
ténèbres sera entendu dans la lumière. » On ne peut que souscrire à cette
idée lorsqu’on visite les sombres souterrains de l’abbaye du Mont-Saint-Michel,
surtout si l’on a présente à l’esprit la statue de l’Archange de lumière qui
surmonte la flèche de l’église.
    Tout cela est d’ailleurs en parfait accord avec ce que l’on
sait de la communauté essénienne de Qumrân dont les membres vivaient
constamment au contact des Invisibles. Dans cette communauté assez mystérieuse
et sur laquelle il y aurait encore beaucoup à chercher, l’angélologie n’était
pas spéculative à la manière des théologiens : elle était vécue
quotidiennement, bien que jalousement gardée dans le secret. Si des liturgies angéliques étaient célébrées ainsi, au
bord de la mer Morte, à la charnière du judaïsme et du Christianisme, c’est là
qu’il faut voir l’origine de ce culte des Anges qui a ensuite envahi le monde
chrétien. Et surtout, il ne faut pas oublier que, pendant les premiers siècles
du Christianisme, avant le Concile de Nicée, au IV e  siècle,
la doctrine officielle tendait à considérer Jésus-Christ comme un Ange. Toute
la période post-apostolique fut christo-angélologique, et cela en dépit de
saint Paul qui, on le sait, affichait une grande méfiance sur le sujet. Il ne
faisait guère de doute que le Christos , c’est-à-dire
l’ Oint , le Messie ,
fût un Ange supérieur venu montrer aux hommes, dans une épiphanie des plus
concrètes, le chemin qu’il fallait emprunter pour réussir la réintégration dans
le royaume de Lumière. La théologie cathare se greffera sur cette opinion et en
fera l’une des propositions les plus fermes de sa doctrine. Et c’est contre les
tendances gnostiques et néo-platoniciennes que renfermait cette opinion qu’ont
réagi les Pères du Concile de Nicée. Dans une

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