Le mouton noir
des servantes de lâintendant. Il semble quâil ait été piégé par les flammes en allant prévenir les deux femmes.
â Et le sieur Seurrat?
â Le secrétaire? Cet imprudent est retourné à sa chambre après avoir été prévenu par Amable que le feu était au palais. Sans doute quâau moment où il a voulu sortir, la grande salle était en feu. Aucune autre issue que le jardin ne sâoffrait à lui. Câest là que nous lâavons trouvé, inconscient, dans la neige, tout le bas du corps gelé comme de la pierre. Il a dû suffoquer en raison de la fumée. Pour avoir voulu fuir la chaleur, il risque de mourir de froid.
â Comment le feu a-t-il pris?
â Je lâignore, mais une chose est sûre, il a débuté dans le cabinet même de lâintendant. à dix heures, comme câest le cas depuis le début de lâhiver, jâai fait le tour de toutes les cheminées du palais afin de mâassurer quâaucun feu nây couvait. En revenant de ma tournée vers minuit et demi, jâai aperçu de la fumée qui sortait par le trou de la serrure du cabinet de lâintendant. La poignée de porte était chaude, jâai réussi à lâouvrir mais tout flambait déjà . Jâai refermé aussi vite et jâai couru prévenir lâintendant et sa femme, de même que le secrétaire. Après quoi, jâai réveillé les autres serviteurs. Pour son malheur, Amable est allé avertir les deux femmes de chambre de lâintendant qui couchaient tout au fond du palais. Nous ne les avons pas revues, non plus que ce pauvre Amable.
â Ãa mâétonne quâils nâaient pas pu se sauver.
â La fumée les aura asphyxiés. Le feu a couru si vite quâune heure et demie a suffi pour raser le palais.
Deux jours sâécoulèrent, puis lâintendant fit demander Clément.
â Nous avons subi des pertes matérielles énormes et aussi des pertes humaines. Mon secrétaire est à lâhôpital entre la vie et la mort. Les affaires de lâÃtat doivent se poursuivre. De nous tous, câest vous, jeune homme, qui connaissez le mieux nos archives. Elles étaient heureusement dans les voûtes qui nâont pas été touchées par les flammes. Saurez-vous y retrouver les documents suivants?
Il tendit une liste à Clément qui y jeta un coup dâÅil.
â Je les retracerai.
â Il me les faut dans les plus brefs délais.
â Jây verrai.
Quand il réussit à se frayer un chemin dans les ruines afin dâaccéder aux voûtes, Clément fut étonné de constater quâaucun document nâavait brûlé. Ils étaient couverts de suie, mais la chaleur ne les avait pas abîmés, les flammes ne sâétant pas rendues jusque-là . Il repéra les pièces réclamées par lâintendant et, sans perdre de temps, il les lui apporta directement chez le gouverneur où lâintendant était temporairement hébergé. En le voyant surgir couvert de suie, le portier voulut le mettre à la porte.
â Qui êtes-vous pour vous présenter ainsi chez le gouverneur?
â Qui je suis? Le commis aux écritures de lâintendant!
â Vous auriez pu avoir la décence de vous changer avant de vous présenter ici.
â Je lâaurais fait, sâil ne sâagissait pas dâune urgence. Mais, précisément, câen est une. Ces documents sont plus importants que ma tenue.
Le portier lui donna lâordre dâattendre debout dans lâentrée en lui faisant défense formelle de sâasseoir ou de bouger jusquâà son retour. Au bout dâune quinzaine de minutes, il revint en compagnie de lâintendant qui, le toisant, lui dit:
â Vous ressemblez à un ramoneur!
â Un ramoneur qui vous rapporte les papiers demandés.
Lâintendant les prit du bout des doigts.
â Vous me semblez avoir si bien su vous débrouiller, dit-il, que je vous confie la tâche, après les avoir nettoyées, de récupérer toutes les archives. Je vous indiquerai où vous devrez les faire porter pour les mettre en sécurité.
Pendant les semaines suivantes, Clément sâaffaira à cette besogne, sâingéniant, afin dâen tirer
Weitere Kostenlose Bücher