Le mouton noir
pas travailler pour vous sans perdre en plus mes services.
â Jeune homme, si ce que je vous offre vous plaît, je me charge dâarranger les choses auprès de Dubreuil.
â Je serais bien sot alors de ne pas accepter.
â Dans ce cas, vous allez vous asseoir et attendre patiemment que mon secrétaire ait rédigé la lettre que je destine à ce cher Dubreuil, et vous la lui remettrez.
Quand Clément sortit du palais avec la lettre en main, il réfléchissait profondément.
«Je viens dâaccepter un travail qui, sâil mâapportera de bons revenus, mâôte toute possibilité de faire fortune à lâavenir. Jâaurais sans doute mieux fait de poursuivre mes études de médecine.»
Il doutait fort dâavoir fait là le bon choix. Mais la nécessité du pain quotidien lâemporta sur ses doutes. Le lendemain, il entra au service du secrétaire de lâintendant et se vit confier la transcription de divers documents devant servir aux archives de lâintendant. Sâil se trouva aussitôt à lâaise auprès des serviteurs dont il avait fait la connaissance et auxquels il se mêlait, son travail sâavérait par contre monotone. Lui qui sâétait juré de ne pas faire le même travail que son père, voilà quâil se trouvait de nouveau assis du matin au soir devant un bureau à recopier des documents.
Toutefois, son salaire avait beaucoup augmenté, ce qui nâétait pas à dédaigner. De plus, comme le lui avait laissé entendre lâintendant, les affaires du pays se révélaient beaucoup plus diversifiées. Cependant, puisquâil ne faisait que recopier des documents de peu dâimportance, son travail nâavait rien de très excitant à ses yeux. Jusquâau jour où il sâavisa du contenu de ces papiersâ¦
Chapitre 4
Le palais incendié
Deux mois sâétaient écoulés depuis que Clément se rendait tous les jours au palais pour y accomplir une tâche quâil trouvait répétitive, mais quâil appréciait davantage dâune semaine à lâautre parce quâelle lui permettait de mettre plus souvent le nez dans des documents de première main concernant la bonne marche du pays. Il ne savait pas où tout cela le mènerait, mais il se disait quâun jour peut-être, il en saurait suffisamment pour faire payer très cher son silence. Ses démons de la richesse à tout prix continuaient de le hanter. Il sentait bien que, dans la gestion de lâintendant, tout nâétait pas clair. Il se disait quâun ou plusieurs documents compromettants pourraient le rendre très riche et quâil finirait bien par mettre la main sur quelque chose qui se prêterait à son dessein. Il nâeut cependant pas le temps de mettre celui-ci à exécution.
Le nouvel an nâétait vieux que de cinq jours quand toute la ville fut mise en émoi. Clément fut réveillé en pleine nuit par les cris des badauds dans la rue. Il les entendit dire que le palais brûlait. Il y courut, mais en vain. Quand il arriva sur les lieux, tout avait flambé. Auprès dâun témoin du sinistre, il sâinquiéta aussitôt de lâintendant et de son secrétaire.
â Lâintendant sâen est tiré, lui assura lâhomme qui se trouvait là presque au début de lâincendie, mais son secrétaire est à lâhôpital et il y a des morts parmi les serviteurs.
Dans la foule des badauds rassemblés sur les lieux malgré le froid, Clément chercha en vain lâun ou lâautre des serviteurs dont il partageait le dîner depuis deux mois. Il allait retourner à son appartement quand il entendit son nom:
â Monsieur Clément!
Reconnaissant la voix de Jean-Baptiste, celui qui lâavait introduit à sa première visite au palais, il se retourna et le vit venir vers lui, lâair soucieux, encore sous le choc de ce quâil venait de vivre. Compatissant, Clément sâinforma:
â Comment vas-tu, mon bon Jean-Baptiste?
â Aussi bien quâon puisse se sentir après la perte dâun ami.
Dâune voix inquiète, Clément demanda:
â Qui est-ce?
â Amable.
â Pas vrai! Et lui qui devait se marier bientôtâ¦
â Il y est resté, de même que deux
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