Le mouton noir
mon maître.
â Parfait! Jâaime les gens loyaux.
â Tout cela ne me dit pas où loge lâintendant.
â Vous le trouverez en retournant sur vos pas.
Clément nâattendit pas la suite. Le voyant sâéloigner, lâhomme lui cria:
â Le corridor opposé! Le corridor opposé! Lâintendant est à lâopposé!
Clément ne se fit pas prier pour accélérer le pas et se retrouva bientôt dans lâautre aile du palais, là où vivaient lâintendant et les siens. Un serviteur lâintercepta.
â Que puis-je faire pour vous?
â Je désire rencontrer lâintendant.
â Sâil fallait que lâintendant reçoive tous ceux qui le veulent voir et sans rendez-vous, le palais déborderait de tous ces quémandeurs.
â Comment prendre rendez-vous, alors?
â En vous adressant à son secrétaire.
â Et où puis-je le trouver?
â Pour lâinstant, il est absent, mais veuillez me suivre, je vous indiquerai où il loge. Ce sera plus facile pour vous de le retracer la prochaine fois que vous viendrez.
Le serviteur emprunta un escalier les menant un étage plus bas. Puis, se ravisant, il demanda au visiteur:
â Pardonnez, jeune homme, ce qui peut vous paraître indiscret de ma part, mais devez-vous rencontrer lâintendant pour une affaire de longue durée?
â Le temps de lui remettre une lettre de mon maître.
â Je puis alors mâen charger moi-même.
â Câest bien aimable à vous, mais jâai ordre de la lui remettre en main propre.
â Dans ce cas, si câest urgent, vous devrez patienter. Lâintendant et son secrétaire ne seront pas au palais avant deux ou trois heures.
â Fort bien! Je saurai attendre. Pouvez-vous mâindiquer où il serait convenable de le faire?
Le serviteur lâinvita:
â Saurez-vous vous accommoder de nos appartements?
â Volontiers!
Ils descendirent un autre étage et se dirigèrent dans un coin du bâtiment dâoù émanaient des odeurs qui mirent Clément en appétit.
â Si je me fie à mon odorat, les cuisines ne sont pas loin.
â Nous y sommes presque.
â Je serais curieux dây mettre le nez.
â Nous le ferons si Béatrice nous laisse entrer.
Le serviteur poussa la porte.
â Un visiteur, dit-il. Peut-il attendre ici?
Clément nâentendit pas de réponse, mais le serviteur le fit entrer. Deux autres hommes étaient assis à une table au fond de la pièce, là où le mena son guide qui annonça dâun ton enjoué:
â Voilà un jeune homme qui cherche de la compagnie!
Clément les salua et se présenta en leur tendant la main. Le serviteur qui lâavait conduit jusque-là dit:
â Voici Joseph et Amable, et je suis Jean-Baptiste.
Clément sâattabla avec eux et causa longtemps en leur compagnie de tout et de rien. Il croyait ne jamais les revoir, mais la Providence en déciderait autrement. Le destin de Clément bascula quand, au bout de deux heures, il fut enfin introduit chez lâintendant.
â Monsieur lâintendant, dit-il, voici une lettre de mon maître, le notaire Dubreuil.
â Ah! Tiens, ce cher Dubreuil qui se manifeste. Vous a-t-il dit dâattendre ma réponse? Mais au fait, qui êtes-vous? Son clerc?
â Clément Perré, commis aux écritures du notaire.
Pour une deuxième fois en peu de temps, Clément vit quelquâun réagir au nom quâil venait dâentendre.
â Perré⦠Ce nom me dit quelque chose. Attendez que je me souvienne. Votre père ne serait-il pas lui-même notaire?
â Il lâest, à Verchères.
â Ah, bon! Je me souviens de lui. Je lâai rencontré à mon arrivée en ce pays en compagnie du seigneur de Verchères. Que diriez-vous, jeune homme, de travailler pour mon secrétaire? Les affaires dâun pays ne sont-elles pas plus importantes que celles dâun notaire, peu importe qui il est?
Pris de court, Clément hésita avant de répondre.
â Il est vrai que travailler à lâintendance est fort alléchant⦠Mais je ne voudrais point déplaire à messire Dubreuil. Il sera suffisamment secoué dâapprendre quâil ne pourra
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