Le mouton noir
documents que vous écrirez devront être parfaitement rédigés, sinon vous devrez les reprendre à vos frais.
â à mes frais?
â En effet! Dans la vie, il faut apprendre à réparer ses fautes. Je tiens également à vous informer que ce que vous ferez de votre vie, en dehors dâici, ne me concerne pas. Mais je vous préviens, soyez toujours à lâheure et toujours à jeun. Je vous attendrai tous les matins à sept heures précises. Si jâai du travail à vous donner, vous lâaccomplirez de sept heures à sept heures avec un arrêt dâune heure pour dîner et une pause de quinze minutes à cinq heures. Bien entendu, vous serez en congé le dimanche et les fêtes dâobligation. Vous serez rétribué au nombre de pages que vous écrirez. Vous savez sans doute que le tarif est dâun sol la page. De la sorte, nous nous entendrons fort bien.
Quand il regagna sa pension ce soir-là , Clément fut en mesure dâen apaiser la propriétaire en lâassurant quâil avait enfin trouvé un travail qui, en peu de temps, allait bientôt lui permettre dâavancer la pension dâun mois.
Chapitre 3
Au palais de lâintendant
Le jour où Clément sâétait présenté chez le notaire Dubreuil, deux semaines auparavant, ce dernier lui avait laissé entendre quâil aurait besoin dâaide parce que lâintendant Bégon avait lâintention dâen faire son secrétaire. Cependant la nomination tardait à venir. Voyant quâil devrait exercer des pressions pour obtenir le poste, le notaire décida dâexpédier à lâintendant une lettre quâil confia à Clément.
â Tu me portes cette lettre au palais et tu la remets en main propre à lâintendant et à nul autre.
â Cela sera fait.
â Si quelquâun dâautre, sous prétexte de sâen charger lui-même, insiste pour que tu la lui donnes, tu refuses. Câest toi et toi seul qui dois lui remettre et tu attends le temps voulu.
â Vous pouvez compter sur moi.
Sans perdre un instant, Clément sortit. Puis, se ravisant, il revint sur ses pas. Un vent glacial balayait les rues, rappelant que lâhiver était tout proche. Clément enfila un manteau plus chaud et se dirigea directement vers le palais où logeait lâintendant. Il nây était jamais allé. Quand il emprunta la côte du palais, il fut impressionné par lâimportance du bâtiment qui lui avait donné son nom. Il eut beau frapper à coups redoublés à la large porte de chêne de lâentrée principale, personne ne vint répondre. Sâapercevant que la porte nâétait pas fermée à clef, il entra. Une fois à lâintérieur, il se rendit vite compte à quel point lâédifice sâavérait grand et quâil serait difficile de repérer les appartements de lâintendant. Il se dirigea tout bonnement dans le premier corridor qui sâouvrait devant lui, comptant bien y rencontrer quelquâun qui saurait le mettre sur la bonne voie. Il se retrouva soudain à la porte dâune vaste salle, hésitant à y pénétrer, quand un homme lâinterpella:
â Où allez-vous comme ça, jeune homme?
â Chez lâintendant.
â Vous nây êtes pas du tout. Cette salle est celle du Conseil supérieur. Quâest-ce qui vous amène chez lâintendant?
â Une lettre à livrer.
â Donnez, je le ferai pour vous.
â Je dois la lui remettre en main propre.
â Vous ignorez qui je suis, sinon vous nâauriez pas refusé mon offre. Je pourrais vous faire arrêter pour cet affront et vous faire incarcérer dans la prison qui se trouve juste au-dessous de là où nous sommes.
Clément se demanda à qui il avait affaire. Puis, sâavisant quâil était sans doute en présence de quelquâun qui nâavait pas tout son jugement, il dit:
â Vous pourriez me faire incarcérer, mais vous ne le ferez pas, parce quâil nây a pas de raison de le faire.
Son interlocuteur haussa les épaules.
â Il nâest nul besoin dâattendre une bonne raison pour emprisonner les récalcitrants.
â Justement, je ne suis pas un récalcitrant. Je ne fais quâobéir aux ordres de
Weitere Kostenlose Bücher