Le mouton noir
pourquoi?
Elles éclatèrent de rire. Clément se sentait dans ses petits souliers, mais il fit celui qui nâavait rien entendu. à la première occasion, sur le chemin qui les ramenait vers la voiture, il fit mine de les pousser toutes les deux à lâeau. Elles sâenfuirent comme des oies apeurées et eurent beaucoup de plaisir à courir devant lui en évitant de se faire prendre. Mais alors quâétait en vue la rivière du Cap-Rouge, la jeune veuve feignit un faux pas et en profita pour se laisser rattraper. Clément la reçut chaleureusement dans ses bras et sâempressa de lui demander:
â Vous nâêtes pas blessée?
â Que non! Que non! Jâai tout simplement mis le pied sur un mauvais caillou. Heureusement que vous étiez tout près pour mâéviter de tomber.
Clément la regarda, cherchant à deviner si elle parlait sincèrement ou si elle se moquait de lui. Il répliqua:
â Dites plutôt que câétait un heureux caillou. En me permettant de vous éviter une chute, il mâa comblé.
Ce fut au tour de Justine de regarder Clément dans les yeux, afin de sâassurer que son regard était sans malice. Ce quâelle y vit sembla lui plaire, car elle dit:
â Monsieur Perré, nous pouvons dire que cette journée est à marquer dâun caillou, mais aussi dâune pierre blanche!
Elle éclata dâun grand rire pendant que son amie lui rappelait:
â Justine! Attention au méchant loup!
Elle fit mine de regarder dans toutes les directions et dit, en étouffant un petit rire:
â Où vois-tu un loup? Je nâen vois point du toutâ¦
Mine de rien, elle se rapprocha de Clément.
Son geste raviva sans doute chez les deux femmes le souvenir dâune aventure dont Justine avait été la victime, car elles se mirent à rire aux éclats. Pendant quâelles riaient, Clément se pencha et trouva sur la plage une pierre blanche. Sâapprochant de Justine, il la lui tendit.
â Voici, dit-il, une pierre marquante. Quâelle soit le souvenir tangible de cette belle journée.
Elle la prit en souriant et dit:
â Ce sera peut-être la première pierre dâune longue route. Souhaitons que toutes celles qui sây ajouteront soient tout aussi blanches que celle-là .
â Elles le seront à nâen pas douter, affirma Clément.
De nouveau, les deux jeunes femmes se regardèrent comme si elles avaient déjà entendu de tels propos. Clément sâen avisa.
â Mesdemoiselles, dit-il, ces moments-ci semblent vous en rappeler dâautres, nâest-ce pas?
Elles pouffèrent. Voyant que leur attitude pouvait prêter à équivoque, Justine intervint.
â Ne vous offusquez pas, monsieur Perré. Mon amie a eu jadis un prétendant dont les gestes et les propos ressemblaient aux vôtres. Voilà pourquoi vous nous voyez à la fois rieuses et étonnées.
Clément esquissa un sourire et se contenta de dire:
â Dans ce cas, je cesserai dâagir et de parler.
â Nous ne vous en demandons pas tant, cher monsieur, intervint le chaperon. Au contraire, soyez vous-même et nous cesserons de vous prendre pour un autre.
Clément répliqua:
â Je nâai jamais cessé dâêtre moi-même et je ne changerai pas. Vous devez me prendre comme je suis.
Sa réflexion fit de nouveau sâesclaffer Justine, qui sâempressa de dire:
â Décidément, cette journée restera marquante, soyez-en assuré, monsieur Perré. Nous y avons eu du bien bon temps. Pour ma part, je suis comblée.
Ils étaient revenus à la voiture. Clément mena le cheval au bord de la rivière pour le faire boire. Ils revinrent enchantés de cette promenade, en se promettant bien de recommencer à la première occasion.
Chapitre 13
Révélations mutuelles
Quelques jours plus tard, alors quâil retournait au marché, Clément trouva la belle Justine en grande conversation avec un jeune homme. Le cÅur faillit lui manquer. Il se demanda aussitôt si elle était courtisée par dâautres, ou à tout le moins par celui-là , ce qui aurait été loin dâêtre étonnant. Il attendit quâelle soit seule pour se présenter à son échoppe. Le sourire quâelle lui adressa en
Weitere Kostenlose Bücher