Le mouton noir
mâétais adressé hier. Tu serais bien bon, mon ami, de le prévenir en mon nom.
Lâautre, lâair soupçonneux, hésita puis dit:
â Si on me parle de tabac, je saurai quoi répondre.
Nâattendant pas son reste, Clément déguerpit, non sans lancer un merci bien senti.
Toute la journée, il lutta contre le sommeil, à tel point que le secrétaire lui en fit la remarque:
â Aurais-tu, par hasard, couché dehors?
â Un mal dâoreille mâa tenu réveillé toute la nuit.
â Un mal dâoreille? Le chirurgien Delisle saurait bien tây faire couler le remède approprié.
â Je me passerai de ses poudres de perlimpinpin et de ses potions pour chevaux.
Sa réflexion fit sâesclaffer le secrétaire qui ne se priva pas pour autant de lâinonder de travail. Clément réussit tant bien que mal à ne pas sâendormir sur son ouvrage. Au sortir du palais, il se dirigea directement chez Justine. Quand elle le vit arriver, elle sâécria:
â En voilà un qui aurait bien besoin dâun bon lit! Quâest-ce qui tâarrive?
Il lui raconta son aventure; rien nâaurait pu indigner davantage Justine, qui sâécria:
â Clément Perré, tu cours après ton malheur et tu feras aussi celui de nous trois!
â De nous trois?
â Nous deux, et celui ou celle que je porte.
Clément resta interdit puis, se ravisant, il serra Justine dans ses bras.
â Ma coquine, dit-il, tu nous fais célébrer la Quasimodo avant Pâques!
Il lâembrassa avec fougue. Elle sourit.
â Tu mâas fait ce que Lavalette nâa jamais réussi.
Voyant que Clément allait en tirer fierté, elle ajouta:
â Encore eût-il fallu quâil essaie!
Ce fut dans un fou rire sans fin que se termina cette journée. Ce soir-là , Clément ne retourna pas à son logis.
Chapitre 16
Où il est question de mariage
Justine étant enceinte, le temps pressait. Pour légaliser leur état, ils devaient se marier.
â Nous nâavons plus le choix, dit Clément, il y en a un ou une qui a décidé pour nous.
â Comptes-tu inviter tes parents?
â Il faudra dâabord que jâobtienne lâautorisation paternelle. Je ne pense pas quâelle viendra facilement.
â Pourquoi? Tu es presque majeur.
â Oui, mais justement, je ne le suis pas encore. Mon père ne prise guère mon attitude à lâégard de ma famille et il se fera certainement tirer lâoreille, surtout si je lui dis quâil sâagit dâun mariage forcé. Je vais lui écrire en lâinformant de mon intention de me marier dans deux mois au plus tard.
â Tu as été négligent. Tu aurais dû lui parler de notre relation avant aujourdâhui.
â Jâaurais dû, je lâadmets. Cependant, mieux vaut tard que jamais.
Il écrivit à ses parents comme il lâavait dit. La réponse quâil reçut le désola: son père sâopposait à ce mariage.
Tant que tu seras mineur, ne compte pas sur mon autorisation. Dans quelques mois, quand tu auras atteint ta majorité, tu pourras décider toi-même. Je ne suis point homme à donner mon autorisation à un mariage dont je ne connais quâun élément. Qui est cette Justine Dassonville à laquelle tu veux tâunir? Nâaurais-tu pas pu faire lâeffort de nous lâamener pour que nous fassions sa connaissance? Nous ne doutons pas quâelle soit une jeune femme bien méritante, alors pourquoi avoir créé autant de mystère autour de sa personne? Nous, tes parents, ne méritons-nous pas plus dâattention et de délicatesse de ta part?
Navré de la réponse de son père, Clément lui écrivit de nouveau, mais à la manière dâun fils repentant.
Mon très cher père,
Je reconnais ne pas vous avoir toujours montré tout le respect quâun fils doit à ses parents. Ne voyez là que lâétourderie dâun jeune homme ambitieux, désireux de voler de ses propres ailes, afin de nâêtre plus à votre charge, mais ne cherchant en tout quâà vous faire honneur.
Vous me voyez profondément affligé par votre refus obstiné à me donner votre permission dâépouser celle que jâaime.
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