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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
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enfants, et pour Augustine et Jimmio?
    â€” Oui, je savais.
    â€” Comment?
    â€” Ton père est venu ici pendant ton absence.
    La réponse prit Clément au dépourvu, car il mit du temps avant de s’enquérir:
    â€” Qu’a-t-il dit?
    â€” Ton père est un homme bon. Il n’a pas fait d’éclat quand je lui ai dit que nous étions mariés et que j’attendais un enfant. Il s’est montré étonné que tu ne sois pas encore informé des décès survenus parmi les tiens. Je lui ai alors montré sa lettre, qui n’était arrivée que le lendemain de ton départ.
    â€” Semblait-il accablé par les grands malheurs qui venaient de le frapper?
    â€” Sûrement l’était-il, mais comme je le rencontrais pour la première fois, il m’était difficile de mesurer à quel point. Toutefois, il me faisait beaucoup penser à quelqu’un que j’aime bien et qui, quand le malheur le frappe, s’efforce de ne rien laisser percer de sa détresse.
    â€” Qu’a-t-il dit d’autre?
    â€” Que les portes du manoir Perré nous étaient ouvertes à tous les deux. Bien plus, il m’a remis cette bourse. “Pour vous, a-t-il dit, et pour l’enfant à venir.”
    Clément s’offusqua:
    â€” Je ne veux pas de son argent!
    Calmement, Justine répondit:
    â€” Si toi, tu n’en veux pas, moi je le garde, non pas pour moi, mais pour notre enfant à naître. Clément Perré, mets ton orgueil de côté. Nous ne sommes pas riches et nous ne cracherons pas sur des sous qui nous sont donnés de bon cœur. Ton père est un homme bon et généreux. Je l’ai vu par toute son attitude. Si tu ne sais pas l’admettre, moi je l’ai perçu dès que je l’ai vu, et il est loin de m’avoir déçu.

    Quelques mois plus tard, Justine donna naissance à un garçon qu’ils prénommèrent Alexandre. Orgueilleux comme toujours, Clément ne voulut pas toucher à un sou de l’héritage que sa mère lui avait laissé.

Chapitre 18
Les malversations de l’intendant
    Au palais, Clément était inondé de lettres et de documents à copier. Son voyage à la pêche au loup-marin lui avait permis de côtoyer beaucoup d’hommes venus d’un peu partout au pays. Il s’était bien gardé de leur mentionner qu’il travaillait auprès de Bégon, car toutes les récriminations qu’il avait entendues de la part de ces hommes montraient nettement qu’aucun d’entre eux n’approuvait sa conduite. Ils n’étaient pas dupes. Sans pouvoir le démontrer, tous s’accordaient à dire que l’intendant profitait de son poste pour se graisser la patte aux dépens du peuple.
    â€” Ces gens, le gouverneur et sa bande, nous mangent la laine sur le dos! grognait l’un.
    â€” Des voleurs, voilà par qui nous sommes dirigés! rageait un second.
    â€” Des voleurs? Bien pire que des voleurs, des escrocs de bas étage! Vous avez vu comme moi ce qui est arrivé avec la farine, et maintenant ils s’en prennent à la viande.
    â€” Comment?
    â€” Savez-vous qui achète tous les bœufs et les cochons?
    â€” Les bouchers du roi.
    â€” Mais qui les leur paye?
    â€” Messire l’intendant.
    â€” Avec quel argent?
    â€” Celui que le roi nous destine.
    â€” Et qui en tire profit?
    â€” L’intendant.
    Des réflexions de ce genre, Clément en avait entendu plus d’une tout au long de son expédition. La plupart des hommes qu’il avait croisés répétaient tous la même chose: «Si lui se permet de nous voler, pourquoi nous ferions-nous scrupule d’en faire autant?» Aussi tout un chacun s’efforçait d’empocher sans se faire de reproches tous les sous possibles, qu’ils aient été ou non honnêtement gagnés.
    Ce fut avec toutes ces réflexions en tête qu’un beau midi, par hasard, en passant près du bureau du secrétaire, Clément aperçut au sol un document. Machinalement, il se pencha pour le ramasser. Les premières phrases qui lui tombèrent sous les yeux les lui firent écarquiller. Le secrétaire n’étant pas là, il retourna sur ses pas et, penché sur son bureau, parcourut vivement la première

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