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Le nazisme en questions

Le nazisme en questions

Titel: Le nazisme en questions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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vision nouvelle, inspirée par Max Weber : celle d’un pouvoir charismatique.
    Ce qui devient alors objet d’histoire, ce n’est plus l’individu Hitler, mais la position exceptionnelle qu’il occupa. Une position réelle, immense et qui demande une véritable explication, puisqu’elle fut sans commune mesure avec un individu dépourvu de qualités. L’autorité charismatique n’est pas l’autorité traditionnelle, héréditaire ou hiérarchique, elle n’est pas l’autorité légale de la bureaucratie ; elle se fonde sur la perception, toujours en renouvellement, par la masse d’une mission, d’une grandeur particulière, d’un héroïsme supposés du chef.
    D’où l’importance, dans la rencontre qui s’opère entre Hitler et l’opinion publique, de la ritualisation du culte du chef. Les militants du NSDAP sont convaincus que leur chef est le rédempteur de l’Allemagne. Pour convaincre à leur tour les électeurs, ils multiplient, dès la sortie de prison de Hitler, les défilés de leurs troupes dans les rues ou les rassemblements politiques, eux-mêmes de plus en plus ritualisés : haies de militants portant les drapeaux autour de la tribune, chants, salut hitlérien (obligatoire au sein du mouvement dès 1926).
    Goebbels, à partir d’avril 1930, concentre tous les pouvoirs de propagande, décidant des slogans et des thèmes de campagne, choisissant orateurs et lieux, mêlant toujours les sujets généraux aux préoccupations régionales ou locales, affichant enfin une défense des valeurs traditionnelles de l’Allemagne conjuguée à une symbolique moderniste : avant le deuxième tour de l’élection présidentielle de 1932, il affrète un avion pour transporter le candidat de rassemblement en rassemblement, avec le slogan : « Le Führer au-dessus de l’Allemagne. »
    L’H. : Mais il faut, pour que tout cela soit possible, que Hitler soit un tribun de réelle envergure.
    I. K. : Il l’est. Il sait créer jusqu’à l’extase parmi ses auditeurs. Hitler maîtrise phrasé et rythmique, il commence par observer le silence pour créer une tension, puis entreprend son discours d’un ton hésitant qui devient plus harmonieux jusqu’à ce qu’éclatent les premiers staccatos de phrases hachées, hurlées, que suivent des rallentandos calculés afin de souligner un point important, le tout appuyé par un jeu de mains qui va crescendo au fur et à mesure que le discours s’emballe. Ce jeu, on le sait, a été mis au point, avec celui des lumières et le choix des tenues, à l’occasion des premiers grands rassemblements de Weimar en 1926, de Nuremberg en 1927 et 1929.
    Tout est donc déjà rodé lorsque intervient le bond en avant électoral de septembre 1930. Mais la stratégie du parti, concentrée sur le seul culte du chef, mise sur l’accession au poste de chancelier. Comme celle-ci est refusée par Hindenburg à l’été 1932, on observe un reflux des voix et la montée de tensions violentes entre courants rivaux au sein du NSDAP, lequel sera en quelque sorte sauvé par l’accession au pouvoir en janvier 1933.
    Le concept de « charisme » déplace donc le projecteur des qualités prêtées au chef vers les perceptions etreprésentations qu’en eurent ceux qui le suivirent et le portèrent au pouvoir, vers la société allemande. Le charisme permet de penser ensemble tous les traits que les interprétations précédentes avaient jusqu’alors soulignés séparément : le pouvoir de Hitler résulte de la collaboration, de la tolérance, des faux espoirs ou de la faiblesse de tous ceux qui, en Allemagne, occupaient une position de pouvoir ou d’influence ; tous reportèrent leurs attentes ou leurs ressentiments dans la personne de Hitler.
    Ce qu’exprimait, le 21 février 1934, un dirigeant nazi de second ordre, Werner Willikens, secrétaire d’État au ministère de l’Alimentation : « Chacun a le devoir de servir le Führer en s’efforçant d’aller au-devant de ses désirs. » De cela résulta une combinaison sans précédent d’instabilité institutionnelle et de dynamisme extraordinaire, qui finit dans l’autodestruction, après avoir procédé à l’extermination de plus de 5 millions de Juifs et de Tsiganes d’Europe.
    L’H. : Justement, cet antisémitisme, central dans la pensée et les discours de Hitler, dans quelle mesure a-t-il lui aussi rencontré l’attente, voire l’adhésion des Allemands ?
    I. K. : De mon étude sur la Bavière

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