Le nazisme en questions
propagande officielle, ne se traduisit donc, dans les douze années que dura le régime, que par un appauvrissement, dont souffrirent particulièrement les victimes des bombardements et les réfugiés, en raison de l’impossibilité de remplacer les objets de nécessité courante et du peu de signification d’un dédommagement financier en de telles circonstances.
Il n’y eut donc pas de révolution sociale pendant le III e Reich, non plus d’ailleurs que de renouvellement complet des élites, même si la répression qui frappa des pans entiers des milieux dirigeants après l’attentat manqué contre Hitler le 20 juillet 1944 les « écréma » sérieusement. C’est que l’élite montante du national-socialisme s’intégra aux élites traditionnelles – à l’exception de quelques groupes fanatisés, qui, grâce au soutien idéologique que leur accorda Hitler, parvinrent à exercer une influence démesurée. Subjectivement, les tensionsentre les classes se réduisirent quelque peu, dans la mesure où le système permit des promotions sociales. En effet, la pénurie de main-d’œuvre due au réarmement devint endémique pendant la guerre en raison de la nécessité de mobiliser une part de plus en plus grande de la population. Pour les ouvriers des industries d’armement, l’utilisation croissante de travailleurs étrangers et de prisonniers de guerre soviétiques, destinée à pallier cette pénurie, se traduisit par une promotion sociale : le personnel allemand permanent se voyait en général affecté à des postes de maîtrise et de surveillance dans les plus grandes entreprises.
Dans de nombreux secteurs, le régime nazi constitua un Eldorado pour les technocrates en voie d’ascension sociale. La meilleure illustration de ce phénomène reste l’exemple de l’architecte Albert Speer, promu ministre de l’Armement. Paradoxalement, le dilettantisme et l’anti-intellectualisme typiques du national-socialisme n’excluaient pas qu’il encourage un certain professionnalisme. Dans les domaines militaire, médical, technique, et dans la justice, on stimule les initiatives individuelles, à condition qu’elles respectent les grandes lignes politiques du régime. L’exploitation inimaginable des détenus des camps de concentration par d’innombrables groupes industriels, tout comme l’efficacité démesurée de la justice militaire, prouvent assez que le III e Reich a su s’attacher les loyaux services de certaines professions. Face à ces groupes en ascension, l’ancienne classe moyenne, qui avait attendu de Hitler la restauration de ses privilèges sociaux, se retrouva sur une voie de garage.
Le régime nazi accéléra donc un reclassement déjà amorcé antérieurement, sans pour autant modifier leshiérarchies sociales de fond en comble. La mobilité, accrue du fait de la guerre, contribua indirectement à la modernisation de la société et mit fin à des isolats sociaux traditionnels. Mais le régime s’avéra totalement incapable de donner un sens positif à ce changement en cours. Les promesses qui avaient permis à Hitler et à son entourage de s’imposer continuèrent à relever de la pure fiction. On assista en fait à l’enrichissement démesuré des catégories qui soutenaient le régime. Elles cédèrent à une corruption sans limites et détruisirent, outre les fondements institutionnels de l’appareil d’État dont elles s’étaient emparées, les règles de promotion de l’administration publique.
En somme, le régime ne cessa de s’éloigner de cette Volksgemeinschaft qu’il avait appelée de ses vœux. Le corollaire du « règne des bonzes », que la population dénonça avec tant d’amertume, était la corruption. Grâce à elle, les « faisans du parti » purent bénéficier d’un marché noir en plein développement et mener une existence dorée insupportable en regard des restrictions matérielles imposées à la majorité de la population.
Le système nazi survécut en faisant supporter aux peuples vaincus le poids de la guerre et de l’agression. Il limita ainsi le mécontentement de la population allemande, un mécontentement que Hitler voulait éviter par-dessus tout, car il avait encore présent à l’esprit le souvenir de la révolution de novembre 1918, provoquée justement par un peuple épuisé, à la fin de la Grande Guerre. La réalisation des promesses sociales du III e Reich, formulées notamment dans le programme Kraft durch
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