Le nazisme en questions
Freude (« La force par la joie ») du Front duTravail, supposait que l’économie allemande ne manque ni de devises ni de matières premières. Or l’abondance de ses ressources est incompatible avec la conduite d’une guerre. La production de la Volkswagen, conçue d’emblée comme une automobile populaire destinée au marché civil, illustre cette contradiction. Face à la pénurie de carburant et à l’affectation d’une part croissante des ressources à l’économie de guerre, la vision de Ferdinand Porsche – une motorisation générale de la population allemande – ne pouvait être, provisoirement du moins, qu’une utopie.
Au lieu de l’équilibre social promis, de la hausse du niveau de vie, de la consolidation des classes moyennes, du ralentissement de l’urbanisation et du renforcement des structures agraires, la société fut peu à peu livrée au Moloch d’une économie de guerre relativement mal coordonnée et pas même efficace, où triomphaient des tendances exactement inverses. Les grands rêves de l’idéologie nazie – la famille paysanne, la vie proche du sol natal, le cantonnement de la femme dans son rôle de mère, l’idylle paysanne et villageoise – n’avaient plus grand-chose à voir avec la réalité du III e Reich. Celui-ci évolua peu à peu vers une société industrielle, dans sa forme la plus pure et la plus perverse : l’anéantissement de l’individu par le travail.
Le Volksgenosse (le citoyen), et non plus seulement l’esclave venu de l’Est ou de l’Ouest, membre d’une des innombrables catégories de travailleurs forcés, ne valait plus qu’en fonction de sa capacité à consacrer sa force de travail à la nation. La politique sociale et son pendant biologique, l’euthanasie, furent mis au service exclusif de l’intensification de la production, et non deson humanisation. Le darwinisme social, autrement dit la lutte de tous contre tous, résume bien la réalité sociale du III e Reich, que les images romantiques diffusées par la propagande nazie parviennent mal à camoufler.
VII
1938 : LE TOURNANT ?
1938 : l’année d’Adolf Hitler
Depuis qu’il était arrivé au pouvoir en janvier 1933, Hitler avait multiplié les faits accomplis. Mais jamais autant qu’en cette année 1938, où l’Allemagne nazie fut constamment sous les projecteurs de l’actualité. En mars, l’Autriche est annexée en un tour de main. En septembre, la conférence de Munich vaut au Reich, sans coup férir une fois encore, l’annexion d’une large partie de la Tchécoslovaquie, la région des Sudètes. En novembre, la violence qui se déchaîne contre les Juifs du Reich pendant la sinistre Nuit de cristal suscite l’émotion dans le monde entier.
À la différence des coups précédents, dont le plus notable avait été la remilitarisation de la Rhénanie en mars 1936, ceux de 1938 interviennent après une pause de près de deux ans et ils marquent le passage à l’offensive en dehors des frontières allemandes, une offensive où l’intimidation et la menace sont utilisées sans retenue. C’en est fini des pions avancés sans crier gare, mais que suivent immédiatement de bruyantes protestations de paix. En cette année 1938, Hitler parle haut et fort, montre le poing, tape sur la table, en particulier lors du congrès du parti nazi à Nuremberg en septembre, où il réclame le dépècement de la Tchécoslovaquie, en parlantde faire la guerre. Le régime nazi se radicalise, ou plutôt il se réalise : à peine doté d’une puissance militaire, il affiche, à travers son goût du risque et son culte de la force, le fond destructeur de sa nature.
L’annonce que l’heure de l’expansion allait sonner, Hitler l’avait faite en petit cercle à la fin de l’année précédente. Le 5 novembre 1937, il avait réuni à la chancellerie le ministre des Affaires étrangères, von Neurath, et les plus hauts responsables militaires du Reich, le ministre de la Guerre, von Blomberg, ainsi que les chefs des trois armes, von Fritsch pour l’armée de terre, Göring pour l’aviation, Raeder pour la marine. Ses propos, consignés dans le fameux protocole Hossbach, du nom de son aide de camp, avaient été de la plus grande clarté 32 . Hitler avait ouvert la conférence en demandant que son point de vue fût considéré, dans le cas d’une disparition soudaine, comme son « testament ». Il avait ensuite longuement justifié la nécessité d’une
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