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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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l’intérieur, avec son auto de course pétaradante au maximum !).
    — Distribution de « café », un liquide noir, chaud, vaguement sucré. Avec quelques camarades j’ai pu, plusieurs jours de suite, dérober quelques pommes de terre, dans le tas qui tente de sécher dehors, après un hiver en silo. Je me suis fait une râpe en perçant des trous dans un couvercle de boîte de conserves. Et, de nombreuses fois, j’ai ainsi épaissi le café ou la soupe du mercredi, en y incorporant des pommes de terre râpées. Mélange gluant et de goût douteux, mais qui, ayant à peu près la consistance du tapioca, tient un peu à l’estomac. C’est que nous devons travailler jusqu’à midi – il est 4 heures – sans rien dans le ventre, le pain de la veille au soir étant depuis longtemps absorbé et digéré. La soupe du midi – et quelle soupe ! – n’est pas encore là (quelquefois aussi, j’ai rapporté au camp quelques douzaines de gros escargots de Bourgogne, que je trouvais à foison sur le ballast ; enfermés dans un broc recouvert d’herbe pour la journée, je les rentrais au camp en tenant le broc ficelé entre mes jambes, attaché à la ceinture, ce qui me causait des problèmes pour la cadence !).
    — Vite lavés au « waschraum », une poignée de gros sel, un oignon obtenu d’un planqué – le même qui me permettra de m’approcher du feu pour la cuisson, et voilà pour demain matin un repas froid et consistant assuré. Tout cela m’a coûté la moitié de mon broc – que je remporte vide – vingt-cinq ou trente gros escargots, cela tient l’estomac, surtout lorsqu’ils ne sont qu’à moitié cuits !
    — À 5 heures, appel, rassemblement, formation des kommandos, départ au travail. Le transport se fait pour l’instant par camion, en attendant que nous ayons aménagé nos propres quais d’embarquement et de débarquement, à raison de quarante hommes par véhicule, alors qu’il y a place pour vingt-cinq au maximum. Nous nous accroupissons et nous encastrons les uns dans les autres, selon une technique vite au point. Encore faut-il laisser la place libre à trois ou quatre sentinelles en armes.
    — Les camions servent à tout transport, terre, ciment, ferraille, et c’est toujours dans la boue que l’on s’assoit, sous une pluie qui commence immanquablement vers huit heures, pour ne cesser qu’au soir. Le travail commence dès le débarquement au chantier, ininterrompu toute la journée, c’est-à-dire à peu près de 7 heures à 19 heures, sauf pour la soupe du midi, prise dehors par n’importe quel temps. Le litre de fanes de betteraves, d’« épinards » (qu’appelait-on ainsi ?) ou de rutabagas, est vite avalé. Après cela, on s’étend n’importe où pour dormir une petite demi-heure. Et le travail reprend, jusqu’au soir, harassant, pénible, sous une pluie qui glace les membres, sous les coups ininterrompus aussi, qui meurtrissent les corps, heureux encore si, pour rentrer, on arrivera à temps pour grimper dans un camion.
    — Je ne reste que quelques jours dans cet abominable kommando. Un beau matin, je me glisse à tout hasard dans un autre. J’y resterai sept mois : d’un certain point de vue, tout relatif, j’ai alors tiré un bon numéro.
    — L’usine souterraine de Roggensdorf, en pleine construction, nécessite de plus en plus de main-d’œuvre. Bientôt sept mille hommes au moins se succéderont de zéro à vingt-quatre heures, en quatre équipes de mille cinq cents à deux mille hommes chacune. Amener les forçats sur le chantier par camion exige trop de matériel. Les faire venir à pied présente au moins l’inconvénient de faire perdre du temps, la question de la fatigue n’entrant pas en ligne de compte. Or, Roggensdorf se trouve sur la grande ligne des « Métropa » et le transport par chemin de fer se présentant comme la plus pratique, nos maîtres en viendront à construire des quais d’embarquement et de débarquement de la chiourme, l’un à proximité de la gare de Melk, l’autre à Roggensdorf même, à proximité de l’usine.
    — Un train de « quarante hommes – huit chevaux » circulera sur cette portion de ligne de mai 1944 à avril 1945, toujours le même qui, entre les services, est stoppé sur une voie de garage à Loosdorf. Les forçats feront donc le trajet en quelques minutes, debout et au moins pendant ce temps à l’abri des intempéries. Le ballast étant en remblai et haut de

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