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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pendant les appels et surtout la nuit, dormir avec. Cela dura quelques jours, jusqu’au moment où le relevé des matricules et les affectations personnelles nous obligèrent, en rendant notre planque inutile, à nous intégrer dans un kommando. Aussi un matin, à l’appel des kommandos de travail, l’abbé et moi nous nous sommes précipités vers le kapo appelant le « Sandkommando » (carrière de sable) où il lui manquait quelques hommes.
    — Ce kommando où nous étions une douzaine, tous Français, avait bonne réputation. Il sortait du camp pour aller dans une carrière de sable située à environ 3 kilomètres aux abords de la petite ville de Melk. Parcours facile, genre promenade. Il était commandé par un kapo allemand, véritable abruti, ivrogne, gueulard mais pas méchant (d’autant plus que le « posten », S.S. chargé de notre garde, était antinazi, Autrichien, incorporé de force). Dans le civil, il était Kapellmeister (chef d’orchestre) à l’Opéra de Vienne. Il était avec nous, contre le kapo si c’était nécessaire.
    — Le patron de la carrière, vieil Autrichien, ressemblant à l’empereur François-Joseph, était également antinazi et s’opposait à ce que l’on sorte trop de sable. Tous les prétextes étaient bons pour stopper notre travail, d’ailleurs fort peu ardent : par exemple, à la moindre goutte de pluie, il interdisait toute extraction, prétextant, disait-il, les dangers d’éboulement. Une fois, il nous a même fait entrer dans une dépendance de sa maison, où nous étions bien à l’abri et au calme. Sa femme nous a apporté, à chacun, deux pommes de terre cuites et nous a donné un verre de bière ciii . J’ai conservé un souvenir inoubliable de ces deux cadeaux. Mais j’ai aussi terriblement souffert à cause des pommes de terre ; voilà pourquoi : l’abbé Hervouet commençait à être malade, et très fatigué il était resté au camp où toute la journée il a confectionné des balais de bouleau. J’ai mangé aussitôt une de mes pommes de terre, mis l’autre dans ma poche, la réservant pour l’abbé. Aujourd’hui, je sais la souffrance que peuvent provoquer le besoin de calmer sa faim et le prix de la lutte contre cette envie. Cette petite pomme de terre à ma disposition, pendant des heures, j’ai donc mené une lutte terrible pour la conserver. J’ai tenu bon jusqu’au bout, et le soir j’ai été récompensé au centuple par le merci ému de mon ami lorsque je lui ai fait ce minuscule cadeau. Mais au cours de ma vie, déjà longue, je ne me souviens pas d’avoir jamais mené un combat aussi long et aussi pénible.
    — Le kommando était vraiment idéal. Le kapo disparaissait des heures entières, allant dans les fermes des environs où il se livrait, pour le compte de S.S. complices et des autres kapos, à un trafic inouï d’alcool, de tabac, de viande, etc. Il nous obligeait à cacher ses acquisitions dans nos vêtements pour les entrer au camp. Cela dura quelque temps jusqu’au jour où, ivre mort, il oublia de revenir le soir. Rattrapé à quelques kilomètres du camp, il fut lue par le commandant du camp à coups de pied et de cravache. Son supplice dura des heures ; il ne dénonça aucun de ses complices. Nous-mêmes avons subi le contrecoup de l’événement. Notre camarade Zamanski, qui faisait office d’interprète au kommando, fut puni. Il resta de longues heures (environ vingt-quatre heures) au garde-à-vous dans l’immobilité la plus absolue, à quelques centimètres des barbelés électrifiés sous la surveillance et la menace des armes d’un mirador le surplombant. Le kommando fut dissous et d’office nous avons été versés au Lagerkommando.
    — Mais revenons au temps où fonctionnait la « Sandkommando ». Nous étions entre Français et, parmi nous, il y avait les personnalités suivantes : Marc Zamanski (devenu, depuis, pendant plusieurs années, doyen de la faculté des sciences de Paris), Traversât, inspecteur des finances et importante personnalité du mouvement scout (un de ses fils avait été tué en 1944 dans un maquis de l’Indre), Jacquet, représentant la Hollande à Lyon avec le titre de consul, l’abbé Jean Varnoux, de la Haute-Vienne, l’abbé Joseph Hervouet, boîte aux lettres de mon réseau, arrêté en même temps que moi à Saint-Julien-de-Vouvantes (Loire-Atlantique) où j’avais mon P.C., Robert Jude civ , poète et barde breton, du réseau du colonel Rémy,

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