Le neuvième cercle
alors que souvent des détenus ou des groupes de détenus ont exécuté des actions sans savoir les instructions. C’était, en général, les membres des comités placés dans les fonctions officielles du camp (Pichon comme Arbeitseinsatzschreiber ou des Blockälteste et Blockschreiber) qui assuraient la liaison et contrôlaient l’exécution sans découvrir la source de la coordination et des instructions.
— Au kommando, il était nécessaire, pour définir les tâches et réunir les moyens de les remplir, de préciser les conditions générales et les conditions particulières de la vie que nous y menions :
— le kommando était dirigé par des S.S. mais la troupe était composée d’aviateurs, parmi lesquels de nombreux Autrichiens. Après avoir placé, partout où c’était possible, dans les fonctions exercées par les détenus du camp, des camarades sûrs et « contrôlés », nous nous sommes efforcés d’exercer une influence, par des moyens divers, sur les chefs S.S. et la troupe.
— Sur les premiers, Herman Höffstädt (Lagerschreiber, politique allemand, ancien avocat catholique de Berlin) qui ne participait pas au Comité international mais agissait comme on le lui demandait, et Pichon exerçaient un véritable chantage permanent. Ils tenaient sa vraie et sa fausse comptabilité, ce qui permettait à l’Obersturmführer Ludolf de détourner des produits et des sommes importantes destinées à la troupe, aux fournisseurs, ou provenant des entreprises pour lesquelles travaillaient les détenus. À deux reprises, il y eut des inspections de sa comptabilité dont il ne put se tirer qu’en faisant appel à Höffstädt et à Pichon.
— En revanche, on pouvait obtenir de lui un certain nombre de « compensations » pour les détenus, et bien qu’il ait plusieurs fois frappé Höffstädt et Pichon, comme d’autres détenus, il n’osa jamais aller trop loin ni surtout se débarrasser des détenus mis en place par le Comité international, par l’entreprise de Pichon, dans la mesure du possible.
— En ce qui concerne les aviateurs, le plus sensible à notre action fut un médecin du camp, le docteur Zora, actuellement médecin-chef à Gmunden, qui prit part activement à notre action. Il rappelait souvent à l’Obersturmführer, dont il connaissait les détournements, qu’il ne pouvait pas se débarrasser de nous, ni surtout essayer de nous faire remplacer par des « droit commun » qui étaient incapables de le faire. Zora nous assurait aussi des informations et, finalement, nous fournit un petit poste radio, grâce auquel Pichon faisait un bulletin quotidien de nouvelles, tout en y joignant ce que lui rapportaient les kommandos de travail au-dehors – qui ne savaient pas d’ailleurs qu’il y avait un poste à l’intérieur du camp.
— Le fait que le kommando exécutait des tâches extérieures a permis aux comités d’établir systématiquement des liaisons soit pour obtenir des informations, soit pour préparer des évasions, soit pour faire entrer dans le camp du matériel nécessaire jusqu’à des armes. Car un secret bien gardé, jusqu’à présent, a été le fait que plusieurs revolvers et leurs munitions (sept en tout si mes souvenirs sont exacts) ont été amenés à Melk en pièces détachées, que Pichon prenait à la rentrée du kommando tandis que la troupe faisait la fouille des rentrants. Le groupe qui entra ces armes était composé de Juifs communistes hongrois, groupés dans un même kommando de travail et qui avaient établi une liaison très efficace au-dehors (sans que le comité ait su qui était cette liaison). Ces armes ont plus tard été emportées en partie à Ebensee et c’est ce qui a permis de dire avec assurance, à Ganz, que les détenus étaient armés.
— D’un autre côté, les conditions particulières de Melk faisaient qu’il était nécessaire d’insister, dans les tâches de résistance, sur le sabotage puisque les détenus travaillaient à la construction d’une usine souterraine. Cette tâche, qui ne pouvait consister qu’à freiner au maximum l’édification de l’usine et de son installation, était organisée par des spécialistes, qui allaient avec les kommandos de travail et dont quelques-uns étaient capables de freiner « scientifiquement » les travaux. Il est de fait que l’usine souterraine avait plusieurs semaines de retard et n’était pas prête à fonctionner lorsque le kommando de Melk fut
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