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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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chefs de blocks qui liquidaient au cours le plus élevé toutes ces denrées et rapportaient à leur chef les cigarettes obtenues. Les cours changeaient constamment, par exemple le jour où vous transformiez vos marks en cigarettes et c’était en principe pour tout le camp. La plupart des détenus possédaient neuf ou dix-huit cigarettes suivant qu’ils avaient perçu un ou deux marks. Vu l’affluence de cigarettes, la boule de 1 200 g de pain montait à trente cigarettes, ce qui représentait les 200 g à cinq. Pour le saucisson, la tranche équivalant à la ration valait trois cigarettes, les soupes : véritable flotte où nageaient quelques épluchures, valaient ce jour-là quatre cigarettes. L’astuce était donc de pouvoir garder, pendant huit jours, la précieuse monnaie, mais cela représentait un tour de force, car la nuit des mains expertes se glissaient sans que vous vous en aperceviez et vous enlevaient, subrepticement, votre bien ; l’astuce valable était de se confectionner une boîte et se l’attacher au cou, sous la chemise, exactement comme une médaille, et encore fallait-il se méfier des attaques continuelles qui se produisaient pendant trois ou quatre jours, après les distributions…
    — Si donc vous réussissiez à garder votre bien, vous voyiez de jour en jour les cours descendre. J’ai vu, certains jours, la boule à huit cigarettes, la rondelle de saucisson à une demie, et la portion de margarine à une cigarette. Les hausses se produisaient également quand les arrivages de pain étaient arrêtés par les bombardements ; là encore, il y avait deux ou trois jours de flèche sur les cours, exactement comme à la bourse. Pour acheter, par exemple, une rondelle de saucisson, vous interpelliez un des vendeurs en disant : « Cocken », c’est-à-dire « fais voir ! ». Il sortait, avec beaucoup de méfiance, la rondelle de saucisson, presque toujours enveloppée dans un papier crasseux, vous l’examiniez, car il arrivait que les vendeurs prélevaient une minuscule tranche avant de vendre. Aussi, à un millimètre près d’épaisseur, vous choisissiez alors celle de l’un ou celle de l’autre, puis discutiez du prix. Quand le marché était conclu, il fallait s’éloigner le plus loin possible, pour sortir sa boîte à cigarettes et en tirer le prix de l’achat. Cette précaution n’était quelquefois pas suffisante et, à ce sujet, je puis vous dire qu’ayant, un jour, acheté un saucisson, je m’étais éloigné de 50 mètres du marché pour traiter. Tout alla bien jusqu’au moment où, ayant sorti ma boîte, je l’ouvrais et, à ce moment, un Russe venu à pas de loup par derrière m’asséna un coup de poing sur l’avant-bras, ce qui fit tomber les cigarettes de la boîte ; ce fut une véritable ruée, je frappais à coups de pieds, à coups de poings, mais quelques secondes après, tout le monde avait disparu. Et plus trace de mes sept cigarettes ni du saucisson.
    — Aux marchés, il ne se passait pas dix minutes sans qu’un individu se trouvant seul ne fût attaqué et fouillé. Le tout était agrémenté par les visites des pompiers du camp qui, de temps en temps, devaient distribuer force coups de bâton pour disperser la foule. À leur sujet, je dois signaler qu’ils se livraient au trafic suivant : leur block se trouvant face à la maison close et la plupart ayant une petite amie, celle-ci leur remettait le pain qu’elle avait en excédent. Le pompier, par l’intermédiaire d’un détenu, faisait vendre le pain sur le marché, recueillait les cigarettes et, après avoir prélevé une petite commission, les remettait aux filles.
    — En dehors du marché, il y eut, pendant un certain temps, moyen d’acheter plus régulièrement, avec moins de risques, de quoi améliorer l’ordinaire. C’était, par l’intermédiaire de deux Espagnols habitant le block 11 et travaillant aux abords immédiats de la carrière et des voies ferrées. Ces Espagnols avaient, avec la collaboration d’une dizaine de Russes, monté une véritable organisation spécialisée pour le pain, et les pommes de terre. Pour le pain, leurs complices étaient d’autres Espagnols travaillant au déchargement des wagons. À certaines heures convenues, quelques Russes se promenaient comme par hasard, près du wagon, et, malgré les sentinelles, huit à dix boules étaient resquillées journellement, sans que personne s’en aperçût ; ils avaient une telle adresse pour

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