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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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rondelle de saucisson frit. Chacun en consommait quatre à cinq et, ensuite, on leur apportait une tasse de thé sucré. Toutes ces choses – nous ne nous faisions aucune illusion – étaient payées sur nos rations mais, à la réflexion, deux heures de détente morale valaient bien six grammes de margarine ou quinze grammes de saucisson, que l’on nous volait tellement autrement, sans contrepartie…
    — Le bouquet, si l’on peut dire, était le bal. Il avait lieu au block 6. Ce block était le plus important du camp puisqu’il comprenait deux étages et un grenier. La salle de danse était installée dans la « schreibstube » (salle des secrétaires) et pour ceux qui pouvaient s’approcher de la porte, le spectacle était vraiment unique. Les danseurs étaient uniquement composés de chefs de blocks, kapos et « petites amies » de ceux-ci, tous Allemands ou Polonais. Ils étaient vêtus très correctement, et si ce n’était le numéro qu’ils portaient au côté gauche et une barre verte peinte dans le dos de la veste, on aurait pu les prendre pour des civils. Il était amusant et lamentable de voir ces hommes danser ensemble ; les tangos étaient particulièrement attendrissants et il s’échangeait de ces baisers… Quelquefois, un couple sortait et allait s’isoler pendant une heure ou deux. Cette comédie dura jusqu’au jour où une scène de jalousie ayant éclaté, deux Allemands, chefs de block, se mirent à mal pour un petit ami polonais dont ils se partageaient les grâces. Le commandant S.S. du camp apprit la chose et, pour la « dignité allemande » interdit le bal et les deux chefs de block furent envoyés à la compagnie disciplinaire. Adieu chemises de soie et complets sur mesure, le rayé comme les autres… Nous ne les plaignions pas d’ailleurs. Un Allemand ne reste jamais dans une mauvaise position, il disparait pendant un mois ou deux puis, un jour, on le retrouve comme par hasard, dans un kommando mais comme kapo bien entendu…
    — Pour en finir avec les distractions du camp, je dois vous dire, si invraisemblable que cela puisse paraître, qu’il existait à Gusen I, comme à Mauthausen, une maison close située à l’angle de l’« Appelplaz ». Elle avait l’aspect extérieur d’une petite mosquée. Seize minuscules fenêtres garnies de fer forgé représentaient les chambres disposées au centre du bâtiment. Sur la gauche, un salon de réception. On pouvait facilement le voir car, l’été, les fenêtres étaient grandes ouvertes et les femmes, derrière leurs barreaux, assistaient aux matches de football. De l’autre côté se trouvaient le bar et le réfectoire des pensionnaires. Celles-ci étaient, pour la majorité, Allemandes ou Polonaises. Elles jouissaient d’un certain confort, mais ne sortaient dans le camp qu’accompagnées de S.S., par groupes de quatre ou cinq femmes. Elles étaient assez bien physiquement, et je me rappelle d’une grande Polonaise, paraissant avoir beaucoup de classe et que Pierre Benoît aurait pu comparer à « Antinéa ». La plupart de ces femmes étaient là en répression, pour avoir bafoué des S.S. ou avoir manifesté des sentiments antinazis. Les réceptions avaient lieu deux fois par semaine, mais bien entendu il n’y avait que les chefs de blocks qui pouvaient s’offrir ce luxe, pour l’excellente raison que ces hommes étaient nourris normalement et se trouvaient en parfait état physique. La chose était toute différente pour les détenus, et, seconde raison, le prix de la séance était de deux marks, ce qui représentait le salaire d’un mois de travail. Aussi, préférions-nous transformer ce paiement en nourriture, mais au cas où l’un de nous manifestait le désir d’être reçu, il lui fallait établir une demande d’autorisation adressée au chef de camp, verser d’avance les deux marks et attendre quelquefois deux mois la réponse. Si elle était favorable, le « client » était amené à la douche, on le désinfectait, on lui coupait les quelques poils qui avaient pu repousser, et, habillé d’un rayé propre, il était conduit par son chef de block vers l’objet de ses désirs. Il disposait de vingt minutes pour en terminer et était ensuite ramené au block. J’aime autant vous dire que ces cas furent rares…
    — Une autre invraisemblance du camp, que je dois vous citer, était la diversité de confort des blocks. C’est ainsi que le block 1, que nous avions surnommé le

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