Le neuvième cercle
mourraient dans la montagne…»
— Il faut dire que les partisans de cette région n’attaquèrent qu’à coup sûr, le plus souvent des coups de main, bien renseignés par les civils. C’était du cent pour cent de réussite. Quant à attaquer deux bataillons de S.S., armés jusqu’aux dents, parfaitement entraînés et en pleine forme, c’était du domaine du rêve.
— « Quant à vous garder avec nous, ce n’est plus possible. Il y a deux mois, quatorze prisonniers de guerre français, se sont évadés d’un camp situé près de la frontière, non loin de Mariborg. Nous les avons recueillis, nous les avons armés. Au bout de trois jours, ils sont partis avec armes et bagages. Nous savons que vous êtes d’une autre graine, mais nous avons des ordres de l’état-major du Korpus. Plus de Français ni d’étrangers dans nos troupes de cette région. »
— Grosse déception, mais rien à faire. Dès la nuit suivante, a commencé la longue marche vers d’autres cieux. Nous marchions rapidement, avec mille précautions quand nous traversions des endroits découverts. On nous avait appris les ordres qui passaient à voix basse dans les rangs. Nous étions une centaine. Un ordre distribué à voix basse : « 10 mètres d’écart » (entre chaque homme). « 5 mètres. » « Stoppez. » « Assis. » « Courez. » Ce fut ainsi plusieurs nuits. On ne marchait pratiquement que la nuit, couchant à la belle étoile ou, par chance, parfois dans des granges au toit défoncé, à la paille trempée. Vers le 13 octobre 1944, nous avions, cette fois-là, marché de jour en suivant les crêtes. Au réveil, le matin, il avait neigé peut-être 10 centimètres, à peine, de poudreuse. Je me souviens de cet instant car j’ai bien cru que jamais je ne pourrais suivre la troupe. J’avais fait à peine 10 mètres que la neige avait traversé les bouts de sac et de chiffons que j’avais autour des pieds. J’avais froid. J’étais glacé et la plante des pieds me brûlait intensément. Il est heureux que l’ordre de départ ait été donné rapidement. Je n’avais pas de chiffons de remplacement. Au fur et à mesure que nous changions d’altitude, il y avait moins de neige. Vers midi, elle avait complètement disparu. Nous étions déjà bien éloignés du Loibl-Pass. Ils étaient sûrement loin de penser quel était notre régime. Nous avions définitivement fait une croix sur la moindre paillasse, pour des mois. Mais nous étions libres avec un moral d’acier. Nous avons ainsi cheminé, presque toujours en altitude, pendant trois semaines, peut-être quatre. Un beau jour, nous sommes arrivés dans une clairière. C’était presque un petit village : de nombreuses tentes avec, en majorité, des femmes qui avaient fui leur village dévasté. Leur mari et leurs fils étaient chez les partisans. Nous sommes restés là quelques jours, mangeant un peu mieux que le brouet que nous avions journellement et inspirant la sympathie et la pitié des femmes. Nous avons pu avoir quelques petites choses. Entre autres une femme me donna une petite, toute petite, couverture. Je me l’ajustais sur la tête et elle retombait sur mes épaules. Pour la maintenir, une ficelle autour du cou. Elle est restée dans cette position, sans bouger, de la mi-octobre 1944 jusqu’à la mi-décembre 1944. Toujours pas de trace de chaussures.
— Nouveau départ. Bientôt, ça allait être un fameux tournant. Fin octobre, nous rencontrons un bataillon de partisans, tous habillés en allemands, avec l’étoile rouge naturellement. Ces gens-là avaient combattu pour le grand Reich ; la plupart des Russes, dont une dizaine de Mongols. Ils avaient été prisonniers et embrigadés par les partisans. Ils avaient des gradés russes pour les commander, assistés d’un officier et d’un commissaire politique yougoslaves. Le commandant russe se dirigea vers nous trois. Nous ne nous quittions pas d’une semelle (d’un chiffon). Il nous dévisageait, s’interrogeant sur la tenue de ces pauvres hères.
— Il posa quelques questions et dit brusquement : « Vous allez combattre avec nous. » Deux minutes après, nous avons eu en main un fusil italien et des cartouches. Alors commença, pour nous, un festival de bagarres, de combats. Nous étions dans la région de Primorsk. Ça tiraillait dur et ce bataillon était en général envoyé au combat quand les brigades yougoslaves n’avaient pu retenir l’ennemi. Ce Rusky
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