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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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dupe, que je ne veux
plus – que je ne peux plus – croire et prétendre que le Grand Mensonge est la
vérité. Ils me traqueront comme des chiens de meute. Et Alfred Berger les a
dressés à tuer sans s’interroger, sans hésiter. Il a besoin de ma mort. Si je
survivais, son avenir serait à ma merci.
    Mais je veux mourir, parce que c’est un juste
châtiment, parce que seulement ainsi et pour la première fois j’agirai en père
qui doit donner sa vie pour son fils.
    Il est une autre raison : si les hommes
de l’“équipe spéciale” d’Alfred Berger me tuent, ils imagineront m’avoir réduit
au silence, et ma relation des faits, cette bombe à retardement, explosera un
jour, peu importe quand, au visage des imposteurs et des criminels. »
    J’ai lu.
    Et c’est comme si j’avais vu et entendu
François Ripert, pénitent accablé, condamné qui n’espère aucune grâce, qui
écrit une confession dont il attend l’absolution ; rien, ni orgueil, ni
prudence, ni calcul, ni raison, ne pourra l’empêcher d’aller jusqu’au fond de
sa mémoire.
    Il vit un étrange moment.
    C’est comme si tout ce qu’il n’avait pas
compris des événements auxquels il avait été mêlé, tout ce qu’il avait laissé
dans l’ombre, souvent par lâcheté, ou au nom de la fidélité à ses engagements, lui
apparaissait désormais en pleine lumière.
    Le passé s’ordonnait. Les mots jaillissaient. Il
avait tant de faits à relater qu’il écrivait vite, commençant un mot, l’abrégeant,
passant au suivant…
    Il se souvenait des années 1920, quand, à
peine démobilisé, jeune capitaine de trente ans, décoré de la Croix de guerre
avec palmes, il avait choisi, comme la majorité des adhérents du Parti
socialiste, d’adhérer à la III e Internationale de Lénine et de fonder
ainsi, à Tours, en décembre 1920, la Section française de l’Internationale
communiste, ce Parti communiste qu’il n’avait plus quitté, exécutant toutes les
tâches dont on le chargeait.
    On lui avait ainsi demandé d’assurer la
défense d’un quartier-maître électricien, Alfred Berger, accusé de mutinerie en
mer Noire, devant Odessa. L’homme risquait les travaux forcés et la presse
communiste avait lancé une grande campagne pour obtenir la démobilisation et la
libération d’Alfred Berger, l’internationaliste, l’honneur de la classe
ouvrière française.
    Et, en 1943, dans cette cave où les rats
trottinent entre les caisses, François Ripert écrit :
    « La première compromission, la première
lâcheté, le premier mensonge sont les taches noires d’une gangrène qui va s’étendre,
tout ronger, tout détruire. Pour moi, je le sais aujourd’hui, ce fut en janvier
1921, le jour où j’ai rencontré à l’arsenal de Toulon Alfred Berger et qu’il m’a
suffi d’un regard pour le jauger : cet homme n’était pas le héros dont on
vantait le courage, la détermination, la foi révolutionnaire, mais un habile, prêt
à tout pour éviter d’être jugé, dont j’ai soupçonné qu’il s’était effondré
devant les officiers qui l’interrogeaient ; il avait dû livrer les noms
des marins qui s’étaient mutinés et en échange on lui avait promis de lui épargner
le tribunal militaire. Et, en effet, il ne fut pas jugé.
    Lorsque j’ai fait état de mes doutes auprès
des dirigeants du Parti, ils ont paru ne pas me comprendre, et moi je me suis
tu, refusant de m’avouer qu’ils savaient que, délibérément, ils transformaient
en héros un pleutre, un ambitieux, un cynique, afin de le tenir et se servir de
lui dans leurs luttes pour le pouvoir.
    J’ai accepté ainsi que le rêve d’égalité et de
justice, l’idéal révolutionnaire, devienne un Grand Mensonge.
    Et au bout de ma compromission, de mon silence,
il y a la mort de mon fils.
    Je suis le plus coupable de ses assassins, parce
que je suis son père. »
    Ainsi s’exprimait
dès les premières lignes François Ripert. Et, les ayant lues, j’ai été aussitôt
persuadé qu’Isabelle, à son retour de déportation, quand on lui avait fait
parvenir – sans doute ceux qui avaient caché son père durant quelques semaines
– ce que j’appellerai non plus des mémoires, mais des aveux, s’était emparée
avec émotion et angoisse de ce texte.
    Que, contrairement à ce qu’elle avait prétendu,
elle l’avait lu et relu.
    Puis elle avait tourné autour de lui comme s’il
s’était agi du cadavre contagieux d’un pestiféré.
    Elle

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