Le Pacte des assassins
entrelacs
d’intrigues, cette association de malfaiteurs rassemblant indicateurs, délateurs,
policiers, et rapprochant même, une fois Paris occupé par les troupes
allemandes, en juin 1940, communistes et nazis.
L’un des ordonnateurs en France, sans doute le
plus discret et le plus efficace, de cette organisation clandestine au service
de Staline, avait été Alfred Berger.
J’ai été fasciné, révolté, accablé par cet
homme dont je portais le nom et dont j’avais découvert, page après page, dans
les « aveux » de François Ripert, la vérité toujours travestie.
« Je me repens,
avait écrit Ripert. Durant vingt ans, j’ai partagé la plupart des secrets d’Alfred
Berger. J’ai su pourtant dès l’origine que cet homme n’était pas le héros qu’il
prétendait avoir été.
Il avait, pour éviter le tribunal militaire, livré
ses camarades. Il n’ignorait pas que je l’avais démasqué, mais ce commun
mensonge, qui était celui de la direction du Parti, nous liait.
On me faisait confiance, puisque je m’étais tu.
On avait besoin d’un avocat “militant”, donc compréhensif,
pour maquiller les entreprises de Berger, le protéger.
J’ai ainsi rédigé son contrat de mariage avec
Irina Golovkine.
J’ai été le témoin de leur union devant le
maire du 11 e arrondissement, et je savais qu’il n’avait séduit cette
jeune immigrée russe, blonde, à la peau laiteuse, que parce qu’elle était la
fille du général Golovkine, réfugié à Paris, président d’une association d’anciens
officiers tsaristes.
Le mariage s’était fait naturellement à l’insu
du père, comme le départ en voyage de noces. Mais, au lieu de séjourner à Rome,
le couple avait poursuivi sa route vers Belgrade, et, de là, direction Kiev et
Moscou.
Alfred Berger était revenu seul et “on” avait
fait savoir au général Golovkine que s’il voulait retrouver sa fille, il lui
fallait proclamer son ralliement à l’URSS et dénoncer les complots des “Blancs”.
Le général s’était suicidé, et j’avais entamé
au nom d’Alfred Berger une procédure de divorce pour abandon du domicile
conjugal par l’épouse.
Irina Golovkine n’était plus jamais revenue d’Union
soviétique, mais j’avais reçu de Moscou toutes les déclarations nécessaires, lettres
et documents officiels attestant que la jeune femme était bien vivante, désireuse
de rester dans sa patrie où, d’ailleurs, elle s’apprêtait à se remarier.
« J’ai participé
à ces machinations.
J’étais flatté de connaître le dessous des
cartes, grisé à l’idée que je faisais partie d’une avant-garde révolutionnaire
que la morale bourgeoise n’entravait pas !
J’œuvrais dans l’ombre, menais une guerre
permanente et juste contre l’ordre capitaliste et le fascisme, les deux faces d’un
ennemi unique.
Dans ce combat impitoyable, je luttais pour un
avenir meilleur. La fin radieuse justifiait l’emploi de tous les moyens.
« J’ai donc
refusé de m’interroger sur le sort d’Irma Golovkine. Il m’aurait été pourtant
facile d’imaginer ce qu’elle était devenue.
Des Russes qui avaient réussi à fuir leur pays
se confiaient, dénonçaient le régime de terreur qui emprisonnait la Russie, évoquaient
le rôle de la police politique, du NKVD,
décrivaient les camps qui s’ouvraient en Sibérie, les exécutions sommaires.
Aujourd’hui, j’ose penser à Irina Golovkine, abattue
dans un souterrain de la Loubianka ou déportée.
Mais, au temps de ma cécité volontaire, je
réfutais les propos de ceux que j’appelais les Émigrés, les Russes blancs, les
traîtres. Ils étaient à Coblence, j’étais à Valmy.
Et vivent la révolution et la patrie du
socialisme !
Vive le camarade Staline !
« J’ai honte d’avoir
pensé et crié ces mots-là, d’avoir défilé, le poing fermé, en scandant : “Le
fascisme ne passera pas !”
J’étais pris par l’enthousiasme, entraîné par
la sincérité et la détermination de ceux aux côtés de qui je marchais au coude
à coude de la Bastille à la Nation.
Front populaire à Paris et en Espagne. Lutte
contre Mussolini, Hitler et Franco : ces mots d’ordre emplissaient ma tête.
J’étais un combattant de la Juste Cause.
« Je ne voulais
pas prêter attention aux procès qui s’ouvraient à Moscou contre les “traîtres”,
les “renégats”, les “hitléro-trotskistes” ou ces généraux qui rêvaient de jouer
les Bonaparte
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