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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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quitté au début d’août 56. Aliénor avait un ventre aussi plat qu’une pierre de lavoir… Nous nous sommes connus, elle et moi aux joutes de Mirepoix en septembre 55… et elle m’a fait languir !… Vous voyez bien que ce garçon ne peut-être de moi !
    Thoumelin de Castelreng haussa une épaule et pencha la tête, accablé, cette fois, par une repentance désespérée.
    – Que veux-tu ? Ne sachant pas depuis combien de temps durait votre liaison, j’ai cru que c’était le tien et que je devais, en homme d’honneur, réparer la faute d’un fils…
    Sans doute allait-il dire « indigne », mais le mot déplaisant demeura dans sa gorge.
    – C’est la faute d’une menteuse, que vous avez réparée ! Elle vous a emboisé, engeigné 226 . Ce fils, elle l’avait déjà mis au monde lorsque je l’ai connue. Elle nous a dupés l’un après l’autre… Et je peux vous le dire : la première fois, elle a fait tant de simagrées que je l’ai crue vierge… Ah ! Malheur de malheur, comme elle s’est jouée de nous !
    Tristan se résolut au silence. Lorsque, parti de Brignais, Tiercelet était venu à Castelreng dans l’espoir de trouver de quoi constituer la rançon exigée par Naudon de Bagerant, cet enfant du mensonge n’existait pas pour lui. À son retour, le brèche-dent ne s’était guère répandu en considérations nombreuses sur l’accueil qu’il avait reçu. Les circonstances ne s’y prêtaient guère. «  Tu as un frère  », lui avait-il dit. «  Il se nomme Olivier. Il a six ou sept ans. » Ne connaissant rien aux enfants. Tiercelet s’était mépris. Le chérubin était nettement plus âgé. En outre, il ne pouvait être le fils de Thoumelin puisque celui-ci n’avait jamais enfourché sa jeune épouse !
    – Vous n’avez donc pas remarqué, Père, que cet Olivier était plus âgé qu’Aliénor le prétendait ?
    – Je me disais : «  Il est fort pour son âge. » C’est tout. Je me disais encore en observant ses traits « Tristan ne pourra le renier. » Voilà.
    Or, vous le découvrez : il n’est point mon enfant… Je flaire en cette paternité une cordelle 227 répugnante.
    – Défie-toi de ton contempt 228 … Ils ne vont pas tarder à paraître. Ils sont allés à pied à la Bézole… Combien as-tu d’hommes avec toi ?
    – Trois… J’abuse de leur patience. Quant aux deux intrus dont j’attends la venue, je ne les crains pas… à l’inverse de vous.
    Ce retour qui eût dû renouer et consolider leurs liens semblait les avoir rompus. Ils se sentaient l’un et l’autre victimes d’un sort funeste. Si l’on pouvait raccoutrer une cotte trouée, changer le suspied d’un éperon ou la bouterolle d’un fourreau, on ne pouvait restituer à des sentiments affaiblis ou éteints leur couleur et leur plénitude. Toute blessure infligée à l’amour, à l’affection, à l’amitié saignait autant qu’un taillant à la chair. Leur sang, leur même sang, froidissait dans leurs veines et Tristan n’osait trop observer un visage qu’il reconnaissait à peine. Repu de désillusions, il s’efforçait de ne pas laisser paraître l’espèce de mépris – qu’il désapprouvait – que cet homme las et comme éteint lui inspirait. Il l’avait pourtant tellement admiré !
    – Nos cœurs sont ruinés. Elle est, ils sont tous deux les instruments de cette ruine !
    Les joues de Thoumelin de Castelreng parurent se réchauffer lorsqu’il eut tourné sa face tourmentée vers les flammes.
    – Ses parents étaient évidemment du mariage. C’est la seule fois où je les ai vus. Des gens du commun ou plutôt de petits bourgeois qui, eux, me semblent honnêtes.
    – Persuadez-vous que non, Père !… Ces gens avaient la garde de l’enfant bien avant que je connaisse Aliénor. Ils savaient donc que leur fille m’avait menti et à toi ensuite. Ils espéraient ce mariage soit avec moi, soit avec vous. Qui sait, même, s’ils n’ont pas poussé leur fille vers nous.
    Tristan soupira comme un malade à qui l’on eût annoncé l’irrémédiable. Or, contrairement à ce mal heureux, il ne se résignait point. De même qu’avec Guesclin, il ne pourrait guérir les maux de son cœur et de son esprit que par la vengeance.
    –  L’âme des Assalit, dit-il, est aussi sombre que leur échoppe.
    Une fois, il y était entré. C’était un lieu tout simple, encombré de lanternes. Une odeur de métal, de graisse, de poussière y flottait. C’était

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