Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
qu’il méritait. D’ailleurs, il te ressemble de visage… Seulement de visage…
    Pourquoi ce seulement  ? Pourquoi cette restriction proférée d’une voix différente et comme désespérée ?
    – Tu dis qu’il me ressemble ?
    C’était incroyable !… Se pouvait-il que… Non !… Protester devenait malaisé, voire impossible. Tristan contint sa fureur et écouta encore.
    – Je t’en ai voulu de ne point assumer tes devoirs. Alors, je les ai pris à mon compte.
    Tristan s’agenouilla devant son père dont il n’osa toucher les mains blêmes et sarmenteuses.
    – Père, il m’a fallu quelques semaines pour que je discerne une double vérité et que je comprenne que je n’aimais pas Aliénor comme j’aurais dû l’aimer. Je ne l’ai pas conquise : elle s’est offerte !… J’étais jeune. Elle m’a comme ébloui. C’est la seconde vérité.
    Il chuchotait tant cet aveu lui coûtait.
    – J’ai deviné que, roturière, elle voulait devenir une dame, profiter de notre fortune et de notre renom… Je savais que je ne serais rien d’autre qu’un truchement entre elle et le bien-être auquel elle aspirait. J’ai rompu et n’ai commis qu’une erreur.
    – Laquelle ?
    Tristan sentit sa gorge se nouer :
    – Je l’ai amenée céans et vous l’ai fait connaître. Elle a su vous embobeliner. Vous me répétiez vous-même : «  Elle est belle et gentille. » Oh ! Certes, elle était… poulido et savait comment plaire.
    Et familièrement :
    – Souviens-t’en : tu m’as conseillé le mariage bien qu’elle ne fût point de notre estoc. J’ai atermoyé car ma confiance en elle fondait goutte à goutte. Je me disais ce qu’on dit au pays : «  Bêlo ès la castâgno, dëdin ès la magnâno 225 . » Quand j’ai su que tu envisageais de l’épouser, je me suis demandé pourquoi et je t’ai cru fol… Et je m’en suis allé après une querelle où tu t’es montré sourd à mes objurgations.
    Thoumelin parut chercher ses mots et demeura immobile, tête basse, le regard perdu dans la jonchée de paille couvrant le pavement à bonne distance du foyer.
    – Elle était venue me voir en ton absence pour me dire, quelques jours avant ton départ… ou ta fuite, qu’elle était grosse de toi et que tu lui refusais le mariage. Elle m’avait supplié, adjuré de me taire… Je lui en ai fait serment.
    – Et sans m’interroger, vous avez donné dans le godan (404)  !
    Un soupir. Celui de l’accusé qui avoue sa faute.
    – Une menteuse, en vérité. Une cagne… Sitôt qu’elle t’a su loin, sans possibilité de retour avant longtemps, elle m’a révélé, en larmes, qu’elle avait altéré la vérité, qu’elle était accouchée d’un garçon qui était chez ses parents, les lanterniers de Mirepoix… Qu’elle n’avait jamais osé t’avouer cette paternité par crainte de te perdre… J’ai cru en sa contrition.
    – Me connaissant, vous eussiez dû penser, justement, que j’aurais assumé mon devoir si je l’avais sue enceinte.
    Thoumelin n’en disconvint pas.
    – D’ailleurs… commença-t-il comme en réponse à quelque chose qu’il se reprochait intérieurement. Oui, c’est vrai, j’aurais dû agir à l’inverse de ce que j’ai fait… Mais elle pleurait d’abondance. J’aurais dû penser que les larmes peuvent être hypocrites… J’ai accepté tout ce qu’elle me disait et me suis fait un devoir, en l’épousant, de réparer ta faute et ta désertion et de donner notre nom à l’enfant.
    –  Macarel  ! … N’avez-vous pas songé qu’il se pouvait aussi qu’elle eût été grosse d’un autre ? Il se peut que les traits de ce bâtard vous aient abusé et vous abusent encore.
    – Quand tu verras Olivier, tu ne parleras pas ainsi.
    – Croyez-vous ?… Aliénor vous a leurré, enquinaudé !
    Tristan ne doutait point que son père eût « respecté » Aliénor – ce qui avait dû réjouir cette carogne ! Il ne doutait point non plus qu’elle eût déployé devant celui-ci tous les artifices de la séduction pour parvenir au mariage. Il refusait que cet Olivier fût sa chair et son sang.
    – Quel âge a-t-il ?
    – Dans les quinze ans.
    Tristan poussa un soupir où la rage s’accointait au soulagement.
    – S’il était mon fils, il en aurait douze.
    Et les mains au bord des flammes car il les sentait soudain froides, engourdies comme si le sang refusait soudain d’y pénétrer :
    – Oyez, Père… Je vous ai

Weitere Kostenlose Bücher