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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’une espèce de preux à l’armure étincelante, une fidèle imitation de saint Michel et non cet homme aux yeux et au nez rouges de gelure, emmitouflé dans un paletoc doublé de fourrure vulgaire : du mouton.
    Tristan sentit son sang se froidir un peu plus et sa chair devenir une sorte de sciure qu’un doigt eût pu traverser. Ses pemions 231 le picotèrent. Son mésaise s’accrut car le jouvenceau demeurait immobile sans qu’il sentît en lui la velléité d’un élan – même agressif -sans qu’il pût percevoir la plus infime de ses pensées.
    – Qui vous a retenu ? |
    –  Le roi Jean, le roi Charles… La guerre : Poitiers, Brignais, l’Espagne et Navarrete… ou Nâjera.
    – Vous étiez dans l’armée de messire Guesclin ?
    Aucun doute : malgré ses défaites plus nombreuses que ses victoires, et bien qu’il eût été capturé une fois de plus en Espagne, par les Anglais, la gloire usurpée du Wandre 232 de Bretagne avait atteint la Langue d’Oc. Olivier l’admirait. Ce qui n’était entre eux qu’une fosse profonde devenait désormais un abîme.
    – Sans ce Breton qui commandait à Nâjera, la victoire eût été nôtre.
    – Oh !
    – Jamais aucun Goddon ne m’aurait agriffé !… Car ils m’ont pris comme ils ont pris ton Dieu, Olivier !
    À quoi bon paroler davantage. À quoi bon dire qu’en dehors des embûches où il excellait – et pour cause : on frappait dans le dos -, le Breton était rien de moins qu’un capitaine ordinaire. Visiblement, Olivier avait l’esprit aussi sec que son visage, aussi peu profond que son regard.
    Ils s’observaient avec une intensité méfiante. Ils ne savaient qu’incomplètement ce qui se passait entre eux, mais chacun commençait à s’enhaïr de l’autre. Thoumelin se taisait et les considérait, lui, avec effroi. Il se leva et posa ses paumes sur des reins chargés de plomb.
    – Ne laisse pas tes hommes ainsi. Montre-leur l’étable et l’écurie. Fais-les entrer ensuite… D’où venez-vous ?
    – De Normandie.
    Tristan décida de se taire sur tout : Luciane, Tiercelet, les batailles perdues par les lis de France et la Fleur de sa Chevalerie. Elles eussent provoqué l’insidieuse moquerie d’un jouvenceau à la mine pâle sous sa barbute de cheveux noirs.
    Aliénor apparut, enveloppée dans un lourd pelisson de mollequin doublé d’écureuil dont la carcaille 233 entrouverte laissait apercevoir la naissance des seins qu’elle avait toujours beaux et fermes.
    – Quand j’ai vu les hommes et tous ces chevaux qui avaient franchi notre seuil, j’ai dit à Olivier que tu nous revenais.
    Ainsi, c’était leur seuil.
    Tristan s’inclina, mettant dans cette révérence la plus feinte des courtoisies. Aliénor y parut sensible.
    Elle avait conservé sa beauté d’autrefois et sa démarche lente, ondoyante, la parait, comme autrefois, d’une dignité dont elle se défaisait encore, sans doute, aussi promptement que de ses vêtements pour devenir… ce qu’elle était et resterait. De sa main senestre, elle ordonnait sa lourde chevelure où, d’évidence, la brosse et le peigne étaient passés en hâte : le vent du dehors se montrait irrespectueux pour tous.
    Elle s’approcha de la cheminée pour s’y tiédir une hanche, puis l’autre. Ses épaules frémissaient, mais loin d’être l’indice de sanglots réprimés, ce tremblement n’était dû qu’au froid du corridor qu’elle avait traversé.
    – Te voilà… et je ne sais que dire.
    – Je lui ai révélé l’essentiel ! s’empressa Thoumelin de Castelreng, confus.
    L’essentiel. Comme c’était bien dit !
    Tristan observait Aliénor. Inchangée ? Non, sans doute. Elle avait conservé cette frisqueté 234 qui lui seyait en public et jusqu’à ce sourire qui se voulait trop innocent, trop virginal même, pour qu’on le prît au sérieux.
    Il était avéré qu’elle n’avait point partagé le lit de son vieux mari. En revanche, elle ne s’était sûrement pas privée d’accueillir dans le sien moult amants tout en se précautionnant pour n’être point engrossée afin que la « légende du fils de Tristan » fût indestructible. Comparée à cette gouge, Tancrède devenait une espèce de sainte.
    – Je t’ai pardonné, dit-elle.
    Pardonné quoi ? s’étonna Tristan. Il n’était coupable de rien.
    Quand elle lui avait annoncé qu’elle voulait devenir l’épouse de son père, partant une Castelreng, il s’était ébaudi et

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