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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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franchi l’Yonne à Cravant s’étaient établis en Gâtinais. Ils avaient repas sé la rivière à Pont-sur-Yonne. Après avoir traversé la Seine à Nogent, ils avaient progressé vers Épernay. D’autres marchaient sur Chalons et Vitry-en-Perthois arsant (419) , tuant, écrasant les récoltes. Quant aux armées assemblées pour les combattre, les hommes qui les composaient ne valaient pas mieux que ces malandrins 280 .
    À Narbonne où, le 29 juillet, il s’était rendu seul pour remettre un message à l’archevêque, Tristan apprit, par le camérier du prélat, que les routiers semblaient avoir l’intention de descendre vers le sud.
    – Monseigneur, quand ces gens-là ont pillé une province, ils n’hésitent jamais à galoper et piéter vers une autre qui leur paraît bien pourvue en ressources.
    – Vous ne me rassurez point, mon fils.
    Et, baissant la voix, car bien que réfugiés dans l’embrasure d’une fenêtre, des clercs qui passaient eussent pu les entendre :
    – On m’a dit que vous êtes allé en Espagne.
    – Oui, mon père.
    – Et que vous avez vu des choses…
    – Oui, mon père.
    Le camérier soupira. Goffe 281 de corps, Itier de Montastruc était apparemment un homme droit d’esprit, fiévreux parce que craintif, et dont certaines pratiques auxquelles il assistait bafouaient sans doute les enseignements et les principes. Tristan épiait sur son visage les signes évidents d’une curiosité qui n’avait pour objet que les excès commis par l’armée des malandrins à laquelle il avait appartenu.
    – D’autres que moi, Mossen, ont dû vous énarrer…
    – … des énormités. Vous m’en donnez confirmation tout en demeurant sur votre réserve… ou sur vos gardes.
    Dans un âge qui semblait l’avoir dépouillé de toute ferveur religieuse – il devait avoir soixante ans -, ce clerc plus à l’aise en bure qu’en dalmatique essayait de restaurer des forces qu’il avait dispersées d’autel en autel, de messe en messe, de procession en procession. Son âme épurée par l’austérité d’une existence hors du monde était devenue la proie de tous les remous, de toutes les peurs et Dieu, pour lui, ne semblait point le suprême et inébranlable rempart contre les menaces de mort que les routiers pourraient répandre sur Narbonne et les cités de la Langue d’Oc.
    – Pensez-vous qu’ils viendront ?
    – Si quelques-uns de leurs capitaines en prennent la décision, eh bien, oui, mon père, ils accourront.
    Itier de Montastruc baissa la tête, de sorte que son goitre disparut dans l’encolure de sa coule, subitement, comme dans une trappe.
    Pauvre Espagne !… Enrique de Trastamare y est reparti et son ost me fait penser au précédent… On dit qu’il y a parmi ses hommes d’armes moult Bretons… Mais dites-moi : que pensez-vous du Trastamare ?
    – Je préfère, mon père, m’abstenir de vous répondre.
    – C’est donc que vous en pensez du mal !
    – Qu’il vous plaise, mon père, de le penser, je n’en disconviendrai point.
    Itier de Montastruc parut soulagé. Il se pencha davantage. Ses yeux eurent des flamboiements noirs, prémices d’une sorte de confession hâtive, susceptible de soulager la conscience d’un homme exempt, peut-être, de tout péché.
    –  Le roi de France a couvert d’or le Trastamare pour son entreprise de reconquête. Il a pu ainsi acquitter les rançons de certains chevaliers pris à Nâjera et prisonniers à Bordeaux et qui avaient pu échapper à la violence du roi Pedro de Castille. Il a pu acheter des chevaux et des armes avec ce que lui fournissaient aussi les gouverneurs des provinces les plus riches… ou les moins misérables. Et Charles V a poussé la générosité, si j’ose dire, à lui racheter deux fois de suite les domaines qu’il lui avait offerts lors de son-exil en France (420) .
    Cette fois, la fureur l’y aidant, le clerc avait haussé le ton. Heureusement, la chambre de parement de Pierre de la Jugie était vide.
    – Il paraît que le roi songe à lui envoyer des renforts… car contrairement à ses espérances, le Trastamare piétine devant les villes qui demeurent fidèles à Pèdre parce qu’elles sont enjuivées comme Burgos et Tolède dont j’ai appris que Henri vient d’y mettre le siège.
    – Le roi devrait s’abstenir d’aider le Trastamare. Notre pays est pauvre. Pourquoi vider les coffres du royaume en faveur de cet homme qui n’est autre qu’une sorte de routier ? La

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