Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
la ceinture de cuir à grosse boucle de cuivre affirmait la légèreté de ses hanches.
    Ils se parlèrent davantage sans rien se dire de sérieux : ils picoraient les mots qu’ils échangeaient en évitant de parler d’eux-mêmes et de l’avenir.
    La vie à Villerouge parut à Tristan plus aisée qu’elle ne l’avait jamais été. Les maisons, le château, les arbres, le ciel furent comme embellis par la présence de Maguelonne. Elle était pure comme l’eau du Lou, bruissante, claire, gracieuse. Il fut heureux qu’elle fût ce qu’elle était : sans façons ni vils petits désirs, sans démangeaisons sous sa robe. Innocente comme une agnelle et bavarde comme une pie, elle avait fracturé les portes du silence et semé des clartés sur une âme endeuillée.
    Il la quitta sur un baiser bref auquel elle répondit avec une complaisance docile, et sa main sur sa bouche parut en retenir l’empreinte.
    Il la rencontra les jours suivants sans qu’il l’eût apparemment cherchée, mais en des lieux où l’un et l’autre étaient certains de se retrouver : l’église et le champ où, parmi ses compères, il s’exerçait aux combats à pied. Il ne pouvait que l’admirer. Les premières chaleurs avivaient l’éclat de ses yeux, de ses joues, et l’incitaient à porter des robes légères, parfois sans manches longues, mais coupées décemment au-dessous du pli du coude. Levait-elle un bras qu’il distinguait tout au fond de l’entournure la mousse brune de son aisselle. Ce gousset léger, entraperçu, lui suggérait d’autres creux ombreux, d’autres tiédeurs, d’autres douceurs. L’encolure de ces robes dont l’usage, un jour sur deux, révélait une pauvreté dignement acceptée, révélait aussi une poitrine de chair tendre qu’il se refusait d’attoucher bien que l’envie l’en démangeât sitôt que son regard l’effleurait.
    Était-il amouré de Maguelonne ? Certes, mais cette conviction le retenait sur la pente où sans doute, après les réticences d’usage, elle se fut complu à le suivre. Or, seize ans, c’était jeune. Il en avait vingt-huit.
    « Tu ne sais pas ce que tu veux ! » se reprochait-il loin d’elle.
    Elle était prête à s’ouvrir à l’amour ; il se verrouillait dans des scrupules et des dilemmes éperdus, et bien qu’il louât une irré solution où d’aucuns ne se fussent point enlisés, il effectuait sans trêve le procès de cette tentation sans parvenir à trouver une issue capable de le satisfaire. Vivre à Villerouge ? Non. Épouser Maguelonne ? C’était pour l’un et l’autre s’exposer à de graves mécomptes. Ils étaient de conditions trop dissemblables.
    Dans la chambre à quatre lits dont les murs semblaient avoir conservé un soupçon de la froideur des clercs qui y avaient vécu avant que ses compères et lui ne l’occupassent, il prenait chaque soir, après un regain de quiétude, un long bain de tristesse et d’irrésolution.
    « Je n’en serais pas là si c’était une pute ! »
    Il dut repartir en campagne, cheminer derrière le bayle et Pons de Missègre devant Paindorge et Lemosquet, lequel veillait sur Mahaut ou Carbonelle bâtée de deux coffres de cuir où s’entassaient et tintaient les produits des acaptes, capitations, cens, fouages, tasques et toltes 278 . Cette besogne lui répugnait : la bonne et brave gent donnait, donnait toujours sans trop se lamenter sur son sort mais en se demandant à qui profitait ce trésor arraché à ses maigres revenus. Mazeliers, moliniers, tounaliers, paradors, flessandiers, escloupiers et jusqu’aux sesquiers 279 commençaient à grommeler en versant leur obole dans la paume creuse du bayle et de son assesseur. Certains regrettaient Bernard de Farges le prédécesseur de Pierre de la Jugie, bien qu’il eût été un prélat plus avide qu’un Juif et qu’il eût cramé le dernier parfait : Bélibaste.
    Au retour, sans cesser de ruminer sa morosité, Tristan questionnait Lebaudy. Qu’avait-il appris en son absence ? Un chevaucheur était-il passé ? Dans l’affirmative, lui avait-il révélé ce qui se passait en Provence ? En France ? Les réponses ne variaient guère. Un marchand qui cheminait vers Narbonne, Foix. Quillan, Limoux – à moins qu’il n’en revînt – s’était plaint des routiers. La Langue d’Oc, sans être épargnée, avait moins à souffrir de leur présence que l’Auxerrois, la Champagne et certaines contrées proches de Paris. Ceux qui avaient

Weitere Kostenlose Bücher