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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dont étaient ceints ses accompagnateurs. Et Tristan, peu à peu, détestait ce collecteur hautain, maupiteux auprès des femmes, cauteleux envers les hommes auxquels il s’adressait de biais pour soustraire son dos à quelque méchante lame.
    *
    Octobre s’écoula dans le vent et la pluie. Sitôt qu’il le pouvait, Tristan visitait Maguelonne. Le temps n’incitait plus aux sorties. Les étreintes et les baisers devenaient rares aussi bien dans la cité condamnée aux rigueurs de l’automne que dans la forge où la pucelle attendait qu’il la rejoignît. Il l’eût fait d’un cœur léger s’il avait été certain de l’y trouver seule. Or, Pierre Massol était présent qui, entre deux frappements sur le fer livré fumant et brasillant à l’enclume, surveillait sa nièce et frappait plus fort dès qu’il la sentait s’alanguir. Comme la plupart des hommes occupés de l’aube à la vesprée à des travaux pénibles, il parlait peu. Sans peut-être dissuader Maguelonne de fleureter avec un chevalier qu’il semblait avoir en estime, il exerçait sur elle une surveillance dont son autre nièce. Sibille, était dispensée. Sans doute, lorsqu’ils étaient seuls tous les trois, Massol mettait-il en garde les pucelles contre des abandons assortis, quelques mois plus tard, de la naissance d’un bâtard qui, en ruinant à jamais leur réputation, préjudicierait la sienne.
    Tristan s’ébahissait de l’importance que Maguelonne prenait dans sa vie. L’intérêt qu’il lui portait, de jour en jour plus sérieux, n’était point la conséquence de la monotonie et de la vacuité d’une existence au centre de laquelle elle étincelait comme un joyau dans un ténébreux écrin. Elle occupait son esprit et la rencontrer devant un tiers qui assourdissait leurs propos par des coups de frappe-devant sur une enclume où rougeoyait un fer à cheval ou un soc de charrue mêlait à son plaisir une irritation sans malveillance. Père, il eût agi à la manière de Massol. Il l’invitait parfois à dire quelques mots, à fournir son avis sur un roncin, une lormerie 286 ou la trempe d’un acier. Assis sur une banquette auprès de Maguelonne, il touchait de sa cuisse celle de la pucelle qui ne la retirait point. Au contraire. Les mamelettes bourgeonnaient, le genou immobile arrondissait la robe comme s’il attendait qu’il y posât sa main. Il souriait et se demandait si la jouvencelle lui céderait un jour dans les herbes tendres du printemps.
    « Je lui plais en tant qu’homme. Peu lui chaut que je sois seigneur et chevalier. »
    Elle attendait qu’il l’emportât loin de Villerouge, vers quelque Avalon dont elle ignorait tout avant qu’il lui eût raconté la mort d’Arthur dans les bras du fidèle Bédoyer, puis son départ dans la nef qui l’emportait vers la forteresse de cristal ceinte de pommiers en fleur.
    Il obtiendrait sa victoire ; peu importait quand ce serait. Il n’avait jamais espéré que Maguelonne serait prompte à contenter ses ardeurs. Eût-elle accepté de lui complaire sans se défendre qu’il ne l’eût point installée dans son cœur à la place qu’elle y occupait. Tous les inconvénients qui jonchaient l’espace entre son « je te veux » et le « j’accepte » de la pucelle le souciaient peu. Guerrier, il advenait qu’il eût des impatiences ; épris, il n’en avait aucune ou si peu… Il savourait cet amour singulier comme une friandise amère et ne se plaignait pas des obstacles que Maguelonne érigeait sur le chemin du consentement, voire du contentement. Il voyait miroiter sa bonne et future fortune dans les yeux qui le dévisageaient.
    Vint le mardi 28 novembre. Il fallut partir pour Narbonne. Bien que le bayle et Pons de Missègre se fussent levés tôt, Tristan et ses hommes au complet les attendaient, prêts à chevaucher, sur le seuil de l’église Saint-Etienne où ils avaient ouï la messe. Paindorge se dépitait de quitter Villerouge. Lemosquet et Lebaudy regrettaient eux aussi de relâcher, fût-ce pour quelques jours, leurs attaches. Seule Maguelonne était présente pour des adieux qui la rendaient chagrine. Il semblait qu’elle eût pleuré.
    Paindorge tenait les rênes de Malaquin préféré à Alcazar trop vif pour s’abaisser au train lent des mules du bayle et du mulet de Pons de Missègre. Avant que de monter en selle, Tristan serra Maguelonne dans ses bras étreinte brève accompagnée d’un baiser léger pour ne point agacer le clerc et le

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